Le haras de Varaville
Le château de Varaville se trouvait à la sortie du bourg, à droite de la route menant à Caen.
PERIODE ANCIENNE
Au XIIe siècle, Robert de Beaufou marie sa fille au sieur Hugues de Boutevillain qui reçoit en dot le reliquat du fief de Varaville. Déboisant la forêt dont il ne reste aujourd’hui que les bois de Bavent, les Boutevillain construisent leur château féodal prés du bourg. Il disparaîtra pour laisser place au même endroit à un château plus confortable (la première attestation écrite de ce château date de 1371). En 1220, une léproserie est fondée à l’emplacement des plus anciens bâtiments du haras actuel et une chapelle dédiée à Saint Jean l’Evangeliste y est bâtie à proximité. Cette derrière en ruine disparait en 1760.
Après l’union de la demoiselle Boutevillain (arrière, arrière-petite-fille de Robert II de Beaufou), la seigneurie passe dans la famille de Saffray. En 1422, Raoul de Saffray (1400-1453) choisit l’exil plutôt que de rendre hommage au roi d’Angleterre. Ses biens sont confisqués et Henri V d’Angleterre fait concession de toutes les terres, fiefs, seigneuries de Varaville à son écuyer Guillaume Alyngton, trésorier pour la Normandie qui en confie la gestion à Walter Intebegue. En 1450, rentrant de son exil après la bataille de Formigny qui met fin à la guerre de 100 ans, Raoul de Saffray reconstruit un nouveau château modeste mais plus confortable. Ses descendants y séjourneront pendant 8 siècles.
Un descendant, Jacques de Saffray se distingue par sa participation à la bataille de Dreux en 1562 et d’Arques en 1589. Il meurt en 1594 et est enterré dans le chœur de l’église de Varaville ou son épitaphe est gravée sur une pierre.
Charles Marie de Cauvigny (1841-1907) petit fils d’Etienne de Cauvigny, est le dernier propriétaire-exploitant du château. En 1872, sa famille emploie 9 personnes, possède 97 bovins, 7 chevaux, 1 âne, 20 porcs et 60 poules. Il meurt le 26 janvier 1907 et est inhumé au cimetière du bourg. Marie Ida de Cauvigny (1836-1914), sa sœur, religieuse aux Bénédictines de Caen, hérite du domaine et le cède au Vicomte Robert Marie Abel d’Aigneaux (1853-1938), l’arrière-petit-fils d’Etienne de Cauvigny. Le lignage aura vécu dans le château pendant près de 8 siècles.
PERIODE HOBSON
Au lendemain de la première guerre mondiale, M. Clément Hobson devient le propriétaire du domaine. Il achète le château en 1912 et la ferme en 1921. Né le 1er juin 1877, de nationalité anglaise, il a fait ses études à Lausanne. Marié à Simone Herbet, il est président de la société d’exploitation du restaurant les Ambassadeurs à Paris. Il est le fondateur de la Compagnie des restaurants Ciro’s à Paris, Deauville, Monte-Carlo et Londres.
Au château de Varaville, qui conserve une activité agricole, il crée un haras et développe avec succès l’élevage de chevaux de courses. Il gagne de nombreux grands prix (French Guinées, Grand prix de Deauville). Grand amateur de courses moto, il se distingue sur le circuit de Brooklands en Angleterre où il a détenu des records de vitesse. Correspondant en France de la revue hippique anglaise « Horse and Hound » , il signe sous le nom de plume de Faraway.
Clément Hobson, en riche propriétaire, transforme complètement le château. Il aménage l’intérieur aussi bien que l’extérieur avec jardin à la française doté d’une superbe allée transformée en roseraie, servant d’accès à la demeure. (On appelait le « château la maison des roses »).
Il construit les communs de style normand ainsi que le superbe pavillon appelé aussi Manoir situé face à l’auberge et servant d’entrée secondaire.
Pendant la soirée de réouverture de son théâtre des ambassadeurs il est félicité par une grande tape dans le dos. Récemment opéré des yeux le choc lui occasionne un décollement de la rétine qui le laisse presqu’aveugle. Il cesse ses activités et s’installe à demeure au château.
Ce 29 novembre 1934, il vient de passer la soirée en compagnie de l’Abbé Etienne, curé de Varaville, quand dans la nuit, le château est victime d’un incendie. A 2 H du matin, des bruits réveillent M. Hobson. Il sonne sa dame de compagnie qui alerte les pompiers de Caen. Un feu s’est déclaré dans le salon au dessous de sa chambre, deux buches tombées de la cheminée aurait enflammé le parquet. La pièce se transforme en brasier, le plancher s’effondre et les 1000 litres d’eau-de-vie de la cave alimentent de plus belle l’incendie. Les pompiers de Caen arrivent trop tard et sont impuissants face au sinistre qui a pris des proportions effrayantes.
Clément Hobson et sa dame de compagnie, Mademoiselle Morgenthaler, à qui il doit la vie et qu’il épousera en 1940 après son divorce avec Simone Herbet, sont indemnes. Mais du château, il ne reste plus que les murs. La très rare bibliothèque, les riches collections d’œuvres d’art, les meubles, sont anéantis. Les dégâts sont estimés à 5 millions de Francs.
M. Hobson a été d’une grande générosité pour les Varavillais. (Don d’un autel à l’église, divers prêts et subventions à la commune, feu d’artifice pour les habitants, etc.). Le 16 mai 1952, il décède à Varaville à l’âge de 75 ans. Il est inhumé au Père Lachaise à Paris le 20 mai 1952. Le 31 décembre 1959, Blanche Morgenthaler décède à Varaville, elle est inhumée aux côtés de son mari le 2 janvier 1960
LE HARAS PENDANT LA GUERRE 39-45
Le 12 juillet 1942, alors que la seconde guerre mondiale fait rage, au cours d’une fête organisée au profit des prisonniers de guerre, un ténor accompagné d’un orchestre se produisirent dans la cour du château.
Au printemps 1943 la troupe de théâtre formée par Renée Tisselli donne une représentation dans la grange. Rencontrant un immense succès, les représentations suivantes sont interdites par les Allemands par crainte des rassemblements.
Le 6 juin 1944, lors de la bataille de Varaville, les allemands occupent le haras avec canon de 75 et fortifications comprenant bunkers et tranchées. Leur reddition se fera au prix de combats meurtriers avec les parachutistes canadiens.
Varaville, momentanément libérée, redevient sous contrôle allemand et les bombardements qui suivront jusqu’à sa libération définitive en aout 44 occasionneront d’énormes dégâts sur les bâtiments des écuries et du manoir.
A partir de mars 1946,M. Hobson emploiera 2 prisonniers de guerre allemands affectés aux travaux de réparation
PERIODE VAN ZUYLEN
En 1964 le couple Van Zuylen achète la propriété. Le baron Thierry Van Zuylen Van Nievelt Van de Haar (1932-2011) est issu d’une ancienne famille noble des pays bas. Diplômé de Harvard il partage son temps entre Londres et Paris et s’intéresse à la finance au sein de la société Micocean Partner.
C’est un grand amateur de chevaux, gentleman des champs de courses de Longchamp et Deauville. Ses couleurs sont casque chevronné blanc et rouge, manches blanches, toque écartelée blanc et rouge.
Avec l’achat du Haras il nourrit sa passion et prévoit d’y élever des champions. Il y parviendra. Le domaine est alors constitué de bâtiments d’âges et de styles différents : granges datant de 1700 dont une avec un pressoir à cidre, écuries, petit manège, maisons d’habitation pour le régisseur et les employés, bâtiments et manoir de style normand et enfin les ruines du château.
M. Van Zuylen entreprend d’énormes travaux et efface les ruines du château. A son emplacement, il désire édifier une demeure contemporaine pour y résider l’été. En 1966, il confie l’étude du projet à l’architecte Américain Peter Harnden, un ami de la famille. Réalisée en 1967 – 1968, la construction est constituée d’une maison d’habitation principale très inspirée des grandes villas californiennes, d’une aile pour les enfants, d’une autre pour le service, d’une cour et de garages.
La maison s’ouvre sur les jardins grâce à de grandes baies vitrées, une partie des toitures est végétalisée. « C’est une demeure de vacances où règne un certain luxe mais sans ostentation » (DRAC).
La Baronne Gabrielle Andrea Van Zuylen née Iglésias Velayos y Taliafero (1933-2010) nourrit quant à elle une autre passion, l’amour des jardins. Chroniqueuse et femme de lettres, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages s’y référant. (Tous les jardins du monde, Alambra, Les jardins de Russel Page). Elle fait appel au paysagiste Russel Page (1906-1985) pour la conception de ceux du haras.
Considéré comme le plus grand architecte paysagiste de la seconde moitié du XXe siècle il possède de plus une connaissance horticole exceptionnelle. Il a conçu de nombreux jardins et parcs en Europe et aux Etats Unis (Les jardins du Victoria and Albert Museum de Londres, le Temple de Flore de l’arboretum national de Washington).
A Varaville il dessine un jardin magnifique. Il y met la maison au centre d’un écrin verdoyant grâce à des massifs de vivaces et une grande pelouse centrale. « On retrouve à Varaville le goût de Page pour les compositions très rigoureuses en chambres de verdure et celui de donner une transparence plus souple avec la nature environnante « (DRAC de Basse Normandie). Une magnifique allée de cerisiers fleurs relie le manoir à la maison.
Mme la baronne appréciait beaucoup les fleurs blanches. On comptait par centaines les rosiers iceberg plantés dans les jardins. Gabrielle décède le 3 juillet 2010 et son mari 5 mois plus tard à Londres. D’un point de vue historique et architectural, Varaville leur doit beaucoup car, outre la construction de la maison d’architecte et la réalisation des jardins, (ensemble inscrit aux titres des monuments historiques), on peut mettre à leur actif la rénovation de tous les bâtiments du haras.
De nos jours, on accède au haras soit par l’allée des hêtres pourpres (majestueuse aussi bien que précieuse puisqu’un célèbre pépiniériste y vient régulièrement pratiquer la faînée pour la multiplication de l’espèce par semis), soit par l’entrée située sur la route de Gonneville en Auge (celle de l’activité du haras), soit enfin par le manoir situé face à l’ancienne auberge de Varaville. Le haras de Varaville a connu d’autres propriétaires. Volontairement, ils ne sont pas cités dans cet historique.
A proximité du haras, sans y être liée, se trouvait la station de monte du Haras du Pin. Le bâtiment est encore visible à droite de la départementale reliant Cabourg à Varaville. La mairie était tenue de le maintenir en état avant l’arrivée des étalons du Haras.
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