Les résistants déportés varavillais
1 – Francis Albert René Marion
Domicilié au Home Varaville il est ingénieur au cadastre à Caen. Né le 17 mars 1907 à Merville Franceville il décède le 17 décembre 1988 à Aunay sur Odon.
Avec son frère Paul il fait partie du réseau Zéro France. Ingénieur au cadastre à Caen, il dispose d’un laisser-passer lui permettant de se déplacer le long de la zone côtière interdite. Grâce à ses amis dans les bureaux caennais, il récupère de nombreuses copies de plan côtier qu’il transmet à Londres. Âgé de 35 ans il ne fut pas soumis comme son frère Paul au STO et put continuer son action au sein du réseau. Grace à ses relations il recrute de nombreux agents comme Denise Foucher employée au cadastre rue Pasteur à Caen. Lors du débarquement, il devait dans la nuit du 5 au 6 juin guider les parachutistes alliés jusqu’aux batteries de Merville. Il ne sera pas au Rendez-vous.
Le 12 avril 1944, il est arrêté au cours d’une rafle qui démantèle le réseau dirigé par Aimable Lepeu, pharmacien à Dives sur Mer. Le CIR de Caen et le collaborateur Henry Thuillier sont à l’origine de son arrestation. Le 11 avril 1944 il est convoqué par Thuillier à la mairie de Varaville pour une raison anodine concernant son entreprise. Il lui demande de se présenter le 12 à Caen au siège de l’inspection du travail à Caen. « je me suis présenté au rendez-vous et c’est là que Thuillier et un autre Français que je ne connaissais pas m’ont encadré et m’ont emmené à la Gestapo, rue des Jacobins. Un Allemand du nom de Albert a commencé par me donner une correction. Puis j’ai été interrogé par un Français nommé Bourdon et par 3 autres français. Il m’était reproché d’appartenir à un groupe de résistance. Après avoir été interrogé toute la journée j’ai été incarcéré le soir à la maison d’arrêt » (déposition du 6 juin 1946 d’Albert Marion)
Il est déporté le 4 juin à Neuengamme puis transféré à Sachsenhausen au Kommando de Falkense. Ouvert le 10 Octobre 1943, c’est l’un des plus grands Kommandos de Sachsenhausen. Entre 900 et 2500 déportés, de nationalités française, polonaise, russe et norvégienne y travaillent. C’est un détachement issu du camp de Klinker qui sert de main-d’œuvre dans les usines d’armement « Demag » pour la fabrication d’obus et de chars lourds Panzer V ou Tigre.
L’espérance de vie sur un an ne dépasse pas 50%. En mars et avril 1945 les détenus meurent de faim. À l’approche des armées soviétiques, ils négocient la libération du camp avec le commandement allemand.
Le 24 avril 1945 les allemands abandonnent le camp. Le 26 avril à 8 heures les soldats soviétiques le libèrent définitivement.
2 – Paul Marcel Pierre Marion dit « Leo »
(d’après une note de Gérard Fournier et les souvenirs de Paul Marion publiés notamment dans « Zéro France – vie et mort d’un réseau de résistance à Dives – Cabourg)
Né le 24 novembre 1919 au Hôme commune de Varaville, il est le frère de Francis Albert Marion.
En juin 1939, il s’engage dans l’Armée de l’Air. Il est affecté à l’aéroport d’Air France à Blagnac puis au centre école d’aviation de Rochefort où il obtient son Brevet Supérieur de mécanicien-avion le 10 mai 1940. Le 10 juin devant l’avancée allemande son école est évacuée. Après un passage au camp de Rivesaltes, il est transféré à la base aérienne 115 d’Orange-Caritat puis à Grenoble. Il y incorpore le mouvement « Jeunesse et Montagne » dont l’objectif est de conserver une activité aux engagés volontaires de l’armée de l’air. Pendant un an, il est préparé physiquement et moralement afin de reprendre le combat et de devenir un cadre de la Résistance. L’esprit d’équipe et la capacité d’autonomie leur sont inculqués. La désillusion et l’état d’esprit de la résistance le fait basculer dans le camp des gaullistes.
Après son année de formation, il est démobilisé en juillet 1941. Inquiet pour sa mère devenue veuve, il rentre l’aider à la gestion de son hôtel-restaurant-bar-épicerie du Hôme. Situé en « zone interdite » dans un secteur entièrement miné, la clientèle est rare. Il accomplit pour son frère ainé Francis, ses premières missions de renseignement au sein du réseau Zéro-France de Dives sur Mer dirigé par le pharmacien Aimable Lepeu. Il met à profit les conversations avec les Allemands venus au bar de l’Hôtel pour soutirer des renseignements notamment le cantonnement des troupes et leur nombre. Sa mère Renée cachera dans son hôtel certains officiers ou techniciens radio de passage, envoyés par Londres.
Il se fait embaucher comme agent auxiliaire du cadastre. Il est chargé du relevé des propriétés bâtis et non bâtis notamment sur la côte. En 1943 il devient magasinier dans l’entreprise chargée de la construction de la batterie de Merville.
Paul Marion raconte « j’étais magasinier, c’est à dire que je me baladais sur le chantier pour récupérer les outils qui trainaient. Je contrôlais la sortie des outils le matin et leur rentrée le soir. Je connaissais donc parfaitement l’emplacement des blockhaus qui avaient été construits. Entre eux, il y avait déjà des canons qui étaient en place, dissimulés par des sacs de terre et des filets. Ces canons étaient déjà en service, prêts à tirer vers la mer »
En mai 1943, il est requis par le STO (Service du Travail Obligatoire mis en place par la loi du 16 février 1943). Réfractaire il préfère se réfugier en Creuse dans une ferme chez des amis de la famille. Son projet est de gagner l’Angleterre par l’Espagne. En août 1943 le hasard le met en relation avec le maquis de La Souterraine. Maquisard à 23 ans il y fait très vite ses preuves et intègre une « école clandestine des cadres » des FTP destinée à former les chefs de maquis dans un recoin de la foret Barade près de Fanlac en Dordogne.
En Octobre 1943, sous le pseudonyme de « Léo » il devient le responsable du maquis « détachement Gardette » à Clavieras près de Sainte-Marie-de-Chignac (Haute Garonne). En décembre 1943 sur le plateau des Jeannettes à Eyliac, son groupe réceptionne l’un des premiers parachutages d’armes, engins explosifs et munitions destinés aux FTP Dordogne. Avec le groupe de Roger Ranoux dit « Hercule », chef du détachement Lucien Sampaix, son groupe s’illustre en détruisant des dizaines de locomotives, en sabotant la voie ferrée de Marsac, les dépôts du chemin de fer comme celui de Périgueux mi-janvier 44 et des usines travaillant pour les Allemands.
En décembre 1943 un aller-retour de 48 H dans le Calvados lui permet de recruter 5 jeunes dont Victor Laveille et Renée Tisselli, qui le suivent à Périgueux.
Fin janvier 1944, il est nommé responsable militaire régional des FTPF de toute la Dordogne en remplacement d’Albert Thomas dit « Jacky » ,nommé responsable militaire inter régional à Limoges. Le 21 Février 1944, « Jacky » est reconnu en gare de Périgueux par Pradier, un traitre infiltré dans le réseau qui a déserté le 10 février. Il suit Jacky et son courrier Renée Tisselli jusqu’à son appartement où elle doit lui remettre des documents importants. Prévenu, la gestapo fait irruption dans la planque alors que l’échange de documents vient d’avoir lieu. Pendant ce temps Paul Marion attend son chef à la gare de Périgueux pour aller à Bergerac visiter un maquis et procéder à la passation de pouvoir. Le 22 février, apprenant leur arrestation il rejoint le maquis en voiture pour les prévenir. Il est arrêté avec un ami à Lesparat sur le RN 89 lors d’un contrôle de la Gestapo qui précède un convoi SS qui vient de faire des arrestations. Il sera remplacé par Roger Lescure.
Interné à la prison de Périgueux, il est interrogé par le même inspecteur que Renée Tisselli. Celui-ci remarquant sur leurs papiers d’identité qu’ils sont originaires tous deux de Varaville, les confrontent. Renée lui sauve la mise ,déclarant ne le connaître que de vue. Transféré à Limoges, il retrouve son ami Victor Laveille, arrêté le 4 mars au Capelot à Ste Marie de Chigniac. Ils font semblant ne pas se connaître.
Transféré au camp de Compiègne-Royallieu le 30 mars 1944, iI est déporté le 6 avril 1944 au camp de concentration de Mauthausen puis envoyé dans les kommandos de Melk à 80 km sur les bords du Danube. Il reçoit le matricule KLM 62761.
Le convoi jusqu’en Allemagne était composé d’une vingtaine de wagon à bestiaux. Prévus pour 40 hommes on y entasse plus de 100 personnes. Paul raconte que le voyage fut abominable : « Nous sommes partis le matin. Nous n’avions même pas de paille. Par terre, il y avait une espèce de gravillons. Nous avons fait le voyage, c’est a dire 2 nuits totales et 3 journées complètes plus une nuit encore que nous avons passées strictement sans boisson, sans nourriture et sans toilette. On a tenu mais la fin était insupportable. On avait la bouche pâteuse. Il faisait quand même chaud dans les wagons, mais comme il faisait froid dehors, la condensation apparaissait à l’intérieur des wagons sur les ferrures métalliques. Pour avoir un semblant d’humidité, on léchait les ferrures quand quelques gouttes de condensation s’y formaient. C’est une illusion mais c’est terrible de souffrir de la soif comme cela pendant plusieurs jours ….
Après une tentative d’évasion les conditions s’aggravent : « Les Allemands pour que cela ne se reproduise pas nous mettent nus dans les wagons. On nous a retiré tous nos vêtements qui ont été mis dans deux wagons, dont les occupants ont été repartis ailleurs ….. Arrivés a Mauthausen les vêtements nous ont été redistribués. Comme il y avait 110 à 130 personnes par wagon, les Allemands redonnaient les vêtements sans chercher bien sûr à savoir si c’étaient les nôtres. On s’est retrouvés avec des habits qui n’étaient pas à notre taille et avec des chaussures qui n’avaient pas la bonne pointure….. Arrivés en gare, les détenus doivent effectuer 5 Km à pied pour rejoindre le camp. Sans les bonnes chaussures c’est un calvaire : « Il y avait à la gare à la gare un comité d’accueil qui était composé de S.S. avec des nerfs de bœuf et des chiens, des molosses, qui étaient là, toujours en train de nous mordre, qui se jetait sur nous. Cela commençait à être l’enfer »
Arrivés en soirée, ils doivent attendre une partie de la nuit leur tour pour accéder aux douches : « en ce qui me concerne j’ai dû attendre jusqu’à 5 h du matin. Mais le grand jeu des S.S. c’était de nous arroser à coup d’eau chaude, de l’eau bouillante qui nous obligeait à nous échapper de la douche puis à coup d’eau froide. A la sortie de la douche nous étions rasés entièrement. Aucun poil ne subsistait sur le corps. Les cheveux étaient coupés à la tondeuse et au milieu de la tête, on nous traçait une rayure au rasoir qui partait de la nuque au front, d’une largeur de 2 à 3 doigts. On appelait ça la Strasse. Mais les gens qui nous rasaient (une dizaine pour 2000 personnes) ne changeaient pas souvent de rasoir et au bout d’un moment, les rasoirs ne coupaient plus et c’était une véritable torture »
Affectés à la construction d’une carriere, les déportés doivent creuser 12 h par jour et descendre 186 marches avec des pierres de 20 kg. Les prisonniers qui n’ont pas la force pour accéder au sommet de l’escalier sont exécutés. Peu nourris, torturés, lorsqu’ils s’assoupissent au travail, l’hécatombe est immense, chaque jour plus de 80 trouvent la mort. Sur l’ensemble du camp il n’y aura que 42 % de survivants
Affecté dans un deuxième temps dans les kommandos de « Melk », Il doit percer à flanc de colline des tunnels destinés à camoufler une usine souterraine d’armement. Le travail est harassant : « quand on rentrait au camp le soir, il nous fallait ramener nos morts. On les portait sur des civières. On avait parfois 25 à 30 morts à ramener le soir. Ceux qui étaient malades, qui n’en pouvaient plus, et qui se cachaient dans un coin en attendant la fin du travail, s ‘endormaient parfois et étaient absents à l’appel. Alors les Allemands les recherchaient, les trouvaient bien sûr et les exécutaient immédiatement parce qu’ils étaient accusés de tentative d’évasion. Ils étaient pendus séance tenante, devant tous les détenus du camp, pour servir d’exemple »
Nous étions peu nourris raconte Pau Marion, environ 700 calories « Le matin nous avions1/8 d’une boule de pain, des boules qui devaient peser entre 1kg et 1,2 Kg. C’était des pains gris, dans lequel les industriels qui les fabriquaient, introduisaient de la sciure afin de faire des économies de farine. On trouvait facilement ces gros grains de sciure. Avec ce morceau de pain, nous avions une petite portion de margarine et un bol d’ersatz qui avait l’avantage d’être chaud et qui avait a peu près la couleur de café.. mais ce n’était pas du café, bien entendu. Le midi, nous avions une gamelle de soupe qui faisait un ½ litre ou ¾ de litre. Cette soupe était généralement composée de betteraves, celles que l’on donne aux animaux, ou de choux de toutes sortes. Le soir au retour du travail, nous avions 1/10 d’une boule de pain et une tranche de saucisson de 1,5 à 2 cm d’épaisseurs »
Cette sous-nutrition avait pour conséquence de nombreuses maladies dont la dysenterie. « En 2 ou 3 jours une personne qui avait la dysenterie mourait. Elle était insauvable. Quand on a cette maladie, le corps se vide entièrement quand on va au toilettes. Il y avait quand même des solutions, c’était de pouvoir trouver du charbon de bois et de le manger. Moi j’ai pu enrayer une dysenterie comme ca, mais cette maladie faisait quand même jusqu’à 100 morts par jour. »
Paul Marion fut le témoin horrifié de la barbarie nazie. « J’ai assisté à des pendaisons, à des exécutions par balle et à des noyades. Les S.S. s’amusaient à massacrer les gens par pure sauvagerie, sans raison valable. Je les ai vu envoyer quelqu’un dans un fut de 200 litres d’eau pour s’amuser. Le type ressortait et ils lui appuyaient sur la tête jusqu’à ce qu’il ne puisse plus respirer. Et ca je l’ai vu plusieurs fois et mes camarades aussi l’on vu »
Quand les Russes envahissent la vallée du Danube 17000 prisonniers sont évacués au camp d’Ebensee au Tyrol. Les détenus sont chargés de démonter les fours crématoires. Ordre leur est donné de se réfugier dans les tunnels : « On n’aurait rien dit si on n’avait pas su la veille au soir qu’un groupe de Russes avait été formé par les allemands pour pousser toutes les locomotives qui desservaient les tunnels à l’entrée de ceux-ci. Et la, les allemands avaient posés des grandes boites d’explosifs sur chaque locomotive. Comme il y avait une locomotive à l’entrée de chaque galerie, tout devrait exploser. On avait d’abord pensé que les Allemands voulaient faire disparaitre les traces des usines. Mais quand ils nous ont dit d’entrer dans les tunnels pour nous mettre à l’abri, on a compris qu’ils voulaient se débarrasser de nous. Alors la, on a dit non. On a refusé d’y aller. Heureusement les S.S. avaient commencé à se sauver devant l’arrivée des Russes et des Américains. Ils avaient été remplacés par des anciens combattants de 14-18 dont on a pensé qu’ils étaient moins redoutables. Effectivement, ils n’ont rien dit et les Américains sont arrivés peu après. Nous étions libres .. »
Longtemps malade en raison de son affaiblissement, il se rétablit et épouse sa fiancée Yva Menegol. Il part travailler en Côte d’Ivoire. Il décède le 19 juillet 2004 à Cabourg. Il est honoré de la légion d’honneur, la croix de guerre, et la médaille du réseau Zero France.
3 – Victor Georges Laveille dit « JoJo »
(d’après une note de M. Vincent Carpentier et les souvenirs de Mme Janine Laveille et d’Alain Province dit « Dubreuil »)
Né à Merville Franceville le 10 décembre 1924, il épouse Janine Gambier le 31/03/1956 à Darnetal. Il décède le 7 juin 2002 à Caen. En 1940, Victor Laveille domicilié au Hôme Varaville est ouvrier agricole. La guerre l’amène à interrompre son apprentissage de chaudronnier au centre de formation de Dives.
En 1941, bien qu’il n’ait que 16 ans, Joseph Danlos résistant à Merville le fait rentrer dans le groupe « Zéro-France », groupe fondé par M. Lepeu, pharmacien à Dives sur Mer. Lors d’un aller retour dans le calvados, son ami Paul Marion le convint d’intégrer avec 4 autres jeunes, dont Renée Tisselli son réseau de FTP en Dordogne. Pris en charge le 15 décembre 1943 par Paul en gare de Périgueux, il rejoint le groupe « Gardette ». Sous le pseudonyme de « Jojo » il est affecté dans le groupe « Gardette » – du nom d’un résistant communiste qui vient d’être fusillé (maquis de la forêt, FFI du sous-secteur A de la Dordogne).
Sous le pseudonyme de « Jojo » qu’il conservera toute sa vie, il est affecté dans le groupe du commandant « Duthil » dit « coco » de son vrai nom Sanson Roche. Mi janvier, il participe à de nombreuses actions d’attentats tel le sabotage des locomotives de la plaque tournante de la SNCF de Périgueux, des locomotives en gare de Limeyrat, en gare de Mauzens et Miremont ainsi que de combat comme le parachutage sur le plateau des Jeannettes à Eyliac, le combat des rivières-basses et de Niversac.
Le 4 mars 1944, au Capelot à Ste Marie de Chigniac, sur la route nationale 89, à 10 km de Périgueux, son groupe de 8 maquisards (Victor Laveille dit «Jojo », Alain Province dit « Dubreuil », Pierre Bonnefond dit « Pierrot », Leo Bourdarias dit « Milou », Paul Grenier dit « Pabéni », « Jack » un aviateur américain mitrailleur sur une forteresse volante en instance de passage en Espagne et « Maous ») conduits par Jules Barataud dit « Julot » monte une embuscade pour intercepter à son retour une voiture de miliciens venus en opération à St Pierre de Chigniac pour procéder à des interrogatoires et à l’arrestation d’une famille refugiée d’origine israélite.
“Une corde est tendue en travers de la route et un groupe de 4 hommes, sous la conduite de « Maous », prend position en surplomb sur la colline en vue d’assurer une protection. Alors que personne ne l’attend, un puissant convoi de la Division Brehmer se présente en provenance de Périgueux et stoppe à 30 m du barrage”. Le convoi étant trop important « Julot » décide de ne pas engager le combat. La colonne était si longue précisera plus tard un habitant de Saint Maurice de Chigniac que du village on n’en voyait pas la fin. Les 3 hommes restés sur la route se replient vers le passage à niveau. Repérés, les premiers coups de feu éclatent. Julot, Dubreuil et Pierrot, armés de fusils font face. « Pierrot » et « Julot » sont mortellement touchés tandis que Dubreuil a les jambes fauchées par une rafale. Le groupe de Maous se disperse dans les bois. Sautant des camions, les allemands déploient leurs forces et engagent leur chasse à l’homme. Pabéni est abattu, Jack l’aviateur américain fait prisonnier. Victor sérieusement blessé au dos, tente de fuir en traversant une rivière gelée. Il est fait prisonnier dans la ferme proche du Capelot. Un seul FTP « Milou » réussit à s’enfuir en longeant le cours du ruisseau. Les prisonniers sont interrogés par Schmidt, un sinistre auxiliaire de la Gestapo qui accompagne le convoi et qui veut en finir avec le groupe Gardette. Personne ne parle, le camp ne sera pas attaqué ».
Le visage tuméfié, après avoir été sauvagement battu par les allemands, Jojo est transféré à la prison de Périgueux pour être interrogé et torturé par la gestapo. Il n’a que 19 ans. Le 10 mars 1944, il est interné à la prison de Limoges où il retrouve Paul Marion, qu’il feint de ne pas connaitre. C’est l’enfer, tous les jours des jeunes résistants sont fusillés.
Le 29 mars 1944, il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne. Le 4 avril 1944, il est déporté au camp de concentration de Mauthausen.
A Metz les prisonniers sont déshabillés; c’est nus, sans boire ni manger pendant 3 jours, qu’ils arrivent le 06 avril 1944 à Mauthausen. Accueillis par les SS et les chiens ils sont rhabillés et doivent parcourir au pas de course le petit sentier de 4 km menant au camp. Les retardataires sont exécutés. Dans les sous-sols, les déportés sont rasés, douchés, désinfectés au grésil, habillés dans leur uniforme à rayures grises et bleues puis mis en quarantaine 2 semaines. Jojo reçoit le matricule KLM 62 661.
Admis à l’infirmerie où il demeure 2 mois, un médecin Caennais interné lui nettoie sa plaie dorsale qui s’est entre temps infectée et lui soigne ses pieds gelés. Atteint de dysenterie, il est sauvé par un médecin russe qui lui administre un liquide brun qui pourrait être de l’opium pur à petite dose.
Mauthausen c’est 120.000 morts sur les 200.000 détenus, c’est un réservoir qui se remplit par les convois arrivant des différents pays d’Europe et se vide par les décès et les réexpéditions dans les kommandos (Gusen, Loibl Pass, Ebensee, Vienne, Melk etc.).
Le 24 juillet 1944, Victor rejoint le Kommando d’Ebense. Il y creuse des tunnels pour les usines d’armement et fait la connaissance de Paul Colette dont la peine de mort pour son attentat contre Laval a été commuée en travaux forcés à perpétuité par Pétain.
Chaque soir, ils doivent assister à des pendaisons. Sous peine d’exécution c’est un déporté qui retire le tabouret.
Tout comme son camarade Paul Marion malgré de terribles souffrances, il parvient à survivre jusqu’à sa libération par les Américains le 6 mai 1945.
Le 24 mai 1945, après une semaine de voyage, il est rapatrié à Longuyon. Après un passage au Lutetia pour repérer d’éventuels militaires allemands parmi les prisonniers, il est accueilli à la gare de Caen par Léonard Gilles, un résistant Caennais, qui le ramène en traction au Hôme.
S’en suivit une période d’affectation à la surveillance des prisonniers allemands préposés au déminage du Hôme. Réintégrant l’école à Mondeville, il reçoit son CAP de chaudronnier en 1948.
En 1949, il assiste à la pose de la première pierre du monument français de Mauthausen.
Pensionné de guerre en 1959 au titre des FTPF (grade d’assimilation de sergent), c’est le 8 août 1988, qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur par François Mitterrand et le 1er novembre 1982, qu’il reçoit la médaille militaire par Charles Hernu. C’est à titre posthume qu’on lui attribue la Croix de guerre.
4 – Renée Anna Tisselli
Elle est née le 27 juillet 1921 à Cesena en Italie. Ses parents fuyant les chemises noires se réfugient en Alsace puis à Varaville, où elle arrive à l’âge de 7 ans. En 1939, elle s’installe comme couturière. Après l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle, n’acceptant pas la reddition, elle décide de retranscrire les informations importantes transmises à la BBC. Espérant redonner espoir à ses concitoyens, elle les diffuse sous forme de tracts dans les boites aux lettres ,la nuit tombée. La vie n’est pas facile sous l’occupation. Elle crée et anime une troupe théâtrale. La première représentation dans une grange du château de Varaville au printemps 1943 remporte un immense succès. Il n’y aura pas d’autres représentations, elles sont interdites par les allemands qui craignent les rassemblements.
En décembre 1943, Paul Marion, responsable du maquis « détachement Gardette » à Clavieras près de Sainte-Marie-de-Chignac (Haute Garonne) fait un aller-retour de 48 H au Hôme Varavile pour recruter des réfractaires au STO qui se cachent. Interrogé sur d’éventuelles candidatures de sa connaissance, elle se propose de l’accompagner et de participer à la lutte. Ce sont 5 jeunes recrues, dont Victor Laveille ,qui prennent chacun leur tour le train pour Périgeux. A son arrivée Paul Marion la conduit chez un couple de commerçants servant de boite aux lettres. Elle est affectée au service des liaisons et renseignements du responsable militaire régional Albert Thomas,dit « Jacky », chef direct de Paul Marion. Parcourant la Dordogne à vélo, elle transmet les consignes et les ordres verbalement entre les maquis.
Fin janvier 1944, Albert Thomas dit « Jacky » est nommé responsable militaire inter régional à Limoges. Renée Tisseli son courrier, ne l’accompagne pas. Elle reste à Périgueux. Le 10 février 1944, deux hommes, Say et Pradier empruntant les identités de deux résistants corréziens, infiltrent les groupes Sampaix et Gardette. Albert Thomas, peu convaincu par leurs explications, met en garde les responsables et décide de procéder à des vérifications à Périgueux. Les deux hommes préfèrent s’enfuir à la tombée de la nuit. Le lendemain, le cantonnement est évacué. Say et Pradier ayant déjà rencontré Albert Thomas et son courrier Renée Tisselli chez Charles, rue de l’Union à Périgueux, les dispositions sont prises pour le prévenir. Malheureusement, partie dans un autre secteur, l’information ne lui parvient pas.
Le 21 Février 1944, Renée Tisselli attend « Jacky » en gare des Bénédictins de Périgueux. Pradier, les reconnaissant les prend en filature. Bien que marchant par sécurité à distance, il réussit à les suivre jusqu’à son appartement où elle doit lui remettre en main propre des documents importants. Prévenue, la gestapo fait irruption dans la planque alors que l’échange de documents vient d’avoir lieu. Ils sont emmenés tous deux au siège de la Gestapo. Quelques jours plus tard, arrêté par les partisans, Say sera fusillé à Sorges. Elle est violemment interrogée. Nerf de bœuf et pendaison par les cheveux accompagnent les questions sur les documents et leurs signataires.
Coup dur pour la résistance, le lendemain Paul Marion dit « Leo » qui devait remplacer Jacky au commandement militaire régional est arrêté fortuitement à Lesparat par une colonne allemande circulant sur le RN 89. Il rejoignait le maquis pour les prévenir de l’arrestation de Jacky et prendre les dispositions nécessaires. Tous deux étant originaire du Hôme Varaville sur leurs papiers d’identité, Renée Tisselli est confrontée à Paul Marion. Renée le sauve en déclarant ne le connaître que de vue.
Elle est incarcérée pendant 1 mois à la prison du champ de foire de Limoges, puis après un transit au camp de Royallieu (Compiègne), elle part le 18 avril 1944 en déportation vers Ravensbrück ou elle arrive le 22 avril. A l’issue d’une période de quarantaine d’un mois, elle est affectée à différentes tâches. Sous les coups et les injures, au prix de terribles souffrances, à la pelle et la pioche ils doivent assainir le marais 12 H par jour.
Avec les plus jeunes et les mieux aptes au travail, elle est déportée le 4 juin 1944, au Kommando d’Holleischen, petite ville de la région des Sudètes (sud-ouest de la Tchécoslovaquie) annexée par les Nazis en 1938. C’est là qu’elle travaillera dans l’usine de munitions Skoda. Bien que situé à 850 km de Ravensbrück, le Kommando d’Holleischen est sous son contrôle administratif. Le premier septembre 1944. Il passe alors sous le contrôle du camp de Flossenbürg, situé beaucoup plus près. Elle y reçoit le matricule 50817.
Le 3 mai 1945, le camp d’Holleischen est libéré par des partisans tchèques et polonais et 2 jours plus tard, pris en charge par les troupes américaines. Renée Tisselli reste encore 3 semaines à Holleischen avant son rapatriement le 20 mai 1945.
Le 11 juillet 1946, elle épouse M. Leslie Arthur Warner un officier britannique dont elle a fait connaissance lors d’un bal à Varaville en l’honneur des soldats britanniques. Elle le suit en Angleterre à Leicester. Elle aura un fils Ian et deux petits fils James et Samuel.
Le 7 novembre 1990, elle reçoit la médaille militaire et le 6 décembre 2000 elle est élevée au grade chevalier de la légion d’honneur pour faits de résistance. Elle décède le 21 avril 2020