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Le circuit historique “Varaville au fil du temps”

La commission Histoire et patrimoine, en association avec la commission Tourisme, a créé un circuit touristique historique.

Réparti sur 19 lutins, il vous fait découvrir des facettes souvent méconnues de Varaville.

Trois boucles vous sont proposées :

  • La boucle du Hôme, longue de 4,5 kilomètres, du lutrin n°1 au lutrin n° 11
  • La boucle des dunes, longue de 2,8 kilomètres, du lutrin n°12 au lutrin n°15, que vous pouvez faire à la suite
  • La boucle du bourg, longue de 600 mètres, du lutrin n°16 au lutrin n°18, avec une extension jusqu’au lutrin n°19 situé dans le marais à 1,5 kilomètres du bourg, au niveau de la stèle Guillaume le Conquérant

Pour accéder à la carte interactive, cliquez ici.

 

 

N°1 – Le tramway Decauville et la gare du Hôme

 

 

 

Le 11 janvier 1869, Auguste Le Provost de Launay, préfet du Calvados, annonce au Conseil général la réalisation du projet de monsieur Le Sueur de Gromesnil : établir une ligne de chemin de fer Caen-Trouville. En 1888, la concession de la ligne est accordée à l’ingénieur Paul Decauville (1846-1928). Le 15 juillet 1892, le tramway est mis en service. Imaginé pour circuler facilement dans les villages, il dessert Cabourg et Dives-sur-Mer. Il passe par le Hôme avec un arrêt devant l’hippodrome. On l’appelle communément le « Decauville », le « petit tacot », le « tortillard ». Conçu pour le convoyage de produits agricoles, il s’impose comme moyen de transport en commun grâce à sa facilité d’installation et son à faible encombrement. C’est un tramway à vapeur circulant sur des voies étroites avec un écartement entre les rails de 60 centimètres. Le convoi comporte des voitures avec compartiments de 1re classe aux banquettes rembourrées et garnies de velours, de 2e classe avec dossiers rembourrés et de 3e classe avec bancs en bois. D’autres voitures sont adjointes pour les bagages et les matériaux. Pendant l’été, des wagons de type « chars à bancs », très appréciés des touristes et des baigneurs, sont mis en service.

 

Le Decauville relie Caen à Dives-sur-Mer en deux heures. De la gare de Caen, il rejoint Bénouville en longeant le canal, puis Ouistreham dans un sens ou Dives-sur-Mer dans l’autre. En prenant la direction de Sallenelles et de Franceville, il fait une halte au Hôme Sainte-Marie juste avant l’entrée du Hôme. Les haltes sont de simples points d’arrêts dépourvus de bâtiments pour les voyageurs. Ils permettent de monter et descendre sans bagages. Il y a trois stations au Hôme : la « halte Bourgeois » au niveau de la rue Henri Bourgeois, l’arrêt de la « gare du Hôme » et la « halte Bonnaric » dit « l’écriteau » (au niveau du club-house du golf).

 

En 1896, l’essor du tourisme induit par Charles Bertrand, propriétaire du Grand Hôtel et du casino et nouveau maire de Cabourg, profite au tramway. Ce n’est pas sans problème. Il cohabite sans aucune règle de sécurité avec les hippomobiles, les automobiles, les bicyclettes et les piétons tandis que chevaux et bestiaux effrayés gênent son passage. Les accidents et les collisions sont fréquents et parfois mortels ; les déraillements sont nombreux.

Malgré sa relative lenteur, le Decauville rend de nombreux services aux habitants et aux touristes qui, arrivés à Caen ou à Dives-sur-Mer, peuvent accéder facilement à leurs lieux de villégiature ou venir découvrir le champ de courses du Hôme.

 

En 1914, il n’y a plus qu’un seul arrêt, situé à la gare du Hôme. Une extension de la ligne jusqu’à Dives-sur-Mer est réclamée par les usagers. Pour traverser la Dives, le pont très étroit ne permet pas le passage simultané du tramway et des véhicules. La population est divisée : faut-il faire descendre les passagers et les bagages et reprendre une autre ligne après le pont ou faire attendre les véhicules quelques minutes ? C’est cette dernière solution qui est retenue.

 

La mise en service des lignes d’autobus entraîne la fermeture de la ligne le 29 septembre 1932. Toutes les stations du Decauville ont été construites dans le même style, avec des colombages. Beaucoup sont alors détruites. Le sort de la petite gare du Hôme est plus heureux. En 1966, gênant le projet d’élargissement de la route, elle est démontée puis remontée plus à l’ouest à quelques dizaines de mètres. Elle devient tour à tour « agence postale et syndicat d’initiative », puis « office de tourisme », avant de devenir « Varaville Informations ».

 

N°2 – Les origines étymologiques – L’école communale

 

 

 

 

La plus ancienne mention connue de Varaville est Wadechervilla en 1025, suivie de Waraville (1155), Varrevilla (1190) et Varavilla (1230). Wadechervilla vient du bas-latin « wadum » qui désigne un gué, et du vieux français « cher » qui signifie « marais », tandis que la terminaison « villa » indique au Moyen Âge un domaine rural ou un village. Varaville est donc littéralement le « village du gué du marais », ce qui s’accorde tout à fait avec sa position à l’extrémité de la chaussée romaine qui a permis le franchissement des marais de la Dives et de la Divette.

 

Si les origines du village et de la paroisse de Varaville remontent au haut Moyen Âge, on y a aussi trouvé des vestiges gaulois et romains qui prouvent que des gens ont vécu là bien avant l’an mil. Au XIIe siècle, Varaville est aux mains des puissants comtes d’Évreux qui y fondent un bourg, une petite agglomération rurale ; ce bourg est à peu de chose près le même qu’aujourd’hui.

 

Le Hôme, domaine rural rattaché à Varaville, n’est nommé dans l’écrit qu’à la fin du Moyen Âge, mais son origine remonte à l’époque des vikings : elle découle du norois « holm », désignant une île ou une terre entourée d’eau, que l’on retrouve par exemple dans Stockholm. Le holm, devenu au fil des siècles « le Holme », puis « le Homme » et enfin « le Hôme » par contraction des deux M, correspond à une portion de terre située en rive gauche de l’ancien estuaire marécageux de la Dives, entre la plage au nord, la limite de Varaville à l’ouest, les Panoramas à l’est, et les fermes d’Osseville et du Hôme au sud.

 

Un peu d’orthographe : En 1893, Jules Sevrette explique dans L’écho de Cabourg que l’orthographe moderne du Hôme vient d’un anglomane qui, en référence à une chanson de l’époque (Home ! Sweet Home !, de Henry Rowley Bishop, 1823) nomme sa villa « Sweet Home ». On trouve en effet « le Homme » avec deux « M » sur la carte de Cassini (vers 1750) et le cadastre de 1826, alors que les premières cartes topographiques éditées en 1879 et 1892 indiquent « Le Home ». L’accent circonflexe n’apparaît qu’en 1950. Quelques lieux-dits des environs, de même origine, ont conservé quant à eux les deux « M » de leur ancienne orthographe : « les Hommets », « Suhomme », « Homme »…

 

La première école communale se situe dans une villa de la rue des bains achetée par la commune en 1906. En 1927, la municipalité, sous l’égide d’Arthur Martine, se dote d’une nouvelle école avec une vaste classe et d’une maison de fonction pour l’instituteur. Grâce au « préventorium » qui fournit 6 à 7 élèves, la petite école comptera jusqu’à 30 élèves, puis 49 en 1939, entre les enfants du Hôme, les petits parisiens et les enfants de l’orphelinat de Galignani de Corbeil-Essonnes. Madame Magdeleine y crée plus tard deux nouvelles classes : l’une pour les plus petits dans les locaux de Béthanie, et l’autre, « l’école Deschiens », dans la salle de la villa « Brèche Vallée », prêtée par madame Deschiens. Pour l’anecdote, son mari Victor, pharmacien à Paris, est l’inventeur de l’hémoglobine Deschiens, qui a fait sa renommée pendant la Grande Guerre. L’école du Hôme ferme ses portes en 1973 ; ses locaux accueillent aujourd’hui la bibliothèque municipale.

 

 

N°3 – La chapelle Saint-Joseph

 

 

 

 

 

En 1870, Armand Leclerc, négociant à Rouen, ambitionne de bâtir au Hôme non pas une maison de vacances mais un grand hôtel, face à la mer. Inauguré en 1879, Leclerc lui adjoint quatre ans plus tard une chapelle privée, en bord de route. Son architecture, combinant la brique et la pierre calcaire, la rapproche de l’église Saint-Aubin de Houlgate, inaugurée en 1878.

 

Le 17 mai 1884, Monseigneur Hugonin donne l’autorisation de l’utiliser pendant deux mois par an pour ce que l’on appelle « la colonie des baigneurs ». Elle est consacrée début août 1884.

 

Le 17 mars 1892, Armand Leclerc se retire et vend la chapelle à la paroisse pour 3 020 francs. En 1893, le président de la République Sadi Carnot et le ministre des cultes Raymond Poincaré accordent par décret l’utilisation de celle-ci comme chapelle de secours de la paroisse, en raison de l’inondation régulière des chemins reliant Le Hôme au bourg de Varaville. La nouvelle cloche de la chapelle est baptisée Marie-Louise par son donateur Anthime Cornu et sa marraine Louise-Henriette Maurisset.

 

Le 9 décembre 1905, lors de l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État, la chapelle devient propriété de la commune.

 

En 1930, l’abbé Étienne reçoit en donation la petite maison près de la chapelle qui devient son presbytère pendant la saison.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle sert de dépôt de munitions aux Allemands. L’édifice souffre des combats de 1944 : à l’ouest, une large brèche s’inscrit de la base au clocher, tandis qu’à l’est le mur est béant jusqu’au sommet. Le petit clocher octogonal est à claire-voie et la cloche en morceaux.

 

La chapelle est restaurée en 1945 et retrouve en 1948 des vitraux neufs réalisés par Georges-Pierre Sagot (1898-1975), maître peintre-verrier à Bayeux. Ces vitraux « flamboyants » de la nef et du chœur, sur le thème des « Béatitudes », sont remarquables par leurs teintes rouges, orangées et violettes. La plupart comportent des dédicaces, dont celle de la famille Walrand qui a financé les anciens vitraux en mémoire de leur fils Pierre, décédé en 1915 à l’âge de 22 ans.

 

Le 30 août 1949, l’abbé Étienne reçoit l’évêque Monseigneur Picaud pour la bénédiction de la chapelle restaurée. Au clocheton octogonal a succédé une flèche de type augeron couverte d’ardoises. La cloche Marie-Louise, détruite, est remplacée par celle de l’église du bourg, fondue en 1816, un peu ébréchée par sa chute mais toujours fonctionnelle. Sur la façade sud, d’étroites baies encadrent le porche, surplombé par trois occulus en forme de croix que surmonte une frise géométrique en dents-de-scie délimitant le haut fronton. Celui-ci, percé d’une niche, accueille la statue de Saint-Joseph, patron des charpentiers, des bâtisseurs et des causes difficiles.

 

N°4 – La naissance du Hôme

 

 

 

 

Au XVIIIe siècle, le Hôme est encore une vaste prairie inondable longée par une dune. Depuis la mort du marquis Théodore-Marc de Saint-Pierre, son fils Aldéric est propriétaire d’un patrimoine de 223 hectares. En 1864, il en cède 196, dont la ferme du Hôme, à Jacques Malhéné, un promoteur qui revend ses terrains par lots, contrairement à Cabourg où monsieur Durand-Morimbau trace des rues pour diviser le terrain en parcelles. Chaque acquéreur d’un lot au Hôme doit défricher une allée menant de la route à la mer, à qui il donne bien souvent son nom.

 

Les premières maisons du Hôme sont érigées à l’ouest vers Merville-Franceville. L’hôtel Sainte-Marie voit le jour. Petit à petit, de Cabourg à Sallenelles, de belles villas se dressent sur le bord de mer, faisant la joie des promeneurs amenés par le tramway. En 1880, la « Société des terrains du Hôme » construit le Grand Hôtel. Il sera racheté par Armand Leclerc en 1884.

 

Alors que Le Hôme se développe, plusieurs colonies de vacances y apparaissent et prennent le nom des villes qui les ont créées : « le Gai-séjour » (Saint-Honoré-d’Eylau), « l’Andelysienne », « les Chalets corbeillois », « Béthanie » fonctionnent à plein. Le Hôme s’équipe pour pouvoir accueillir une population à l’année. On y trouve un « Grand Bazar », une boucherie, une charcuterie, trois épiceries, un dépôt de pain, une pâtisserie, deux hôtels-restaurants, un café et des entreprises artisanales de maçonnerie, menuiserie, peinture, couverture, plomberie… La chapelle Saint-Joseph et la mairie annexe, ouverte dans l’actuelle charcuterie de l’avenue Président René Coty, permettent d’en faire un vrai village.

 

Après 1944, le tourisme est en plein essor et le Hôme, avec sa magnifique plage et ses dunes sauvages, est très apprécié ; de nombreuses villas estivales ou résidentielles y voient le jour.

 

Le quartier des Panoramas

Ces terrains en bord de mer, entre le golf et l’avenue des Devises, propriété de Jacques Malhéné, sont vendus en 1867 à Hyppolyte Toupet qui y construit en 1871 la ferme des Panoramas, puis en 1898 à Pierre Derenne, un imprimeur parisien. Le 11 août 1899 voit la naissance du quartier des Panoramas, dont les rues font souvent référence aux premiers propriétaires. Les débuts sont toutefois difficiles. En 1914, ne sont guère bâties plus de 10 grandes villas, puis une trentaine de maisons en 1920. En 1926, la société « Cabourg-Panoramas » rachète les lots invendus aux héritiers Derenne, sa sœur Marie et son neveu Augustin Phelipot, et projette un nouveau plan de lotissement intégrant les parcelles situées au sud de l’avenue Président René Coty et à l’est de l’avenue des Devises, vers Cabourg. La publicité de l’époque vante les atouts de la plage et les moyens de transport qui permettent d’y accéder. Toutefois, la crise s’invite. En 1935, la société « Cabourg-Panoramas » est dissoute et les lots invendus sont partagés entre les actionnaires.

 

Le lotissement de la plage des Panoramas

En 1899, Jean-Baptiste Desplats achète trois lots pour 4,1 hectares à Pierre Derenne qu’il revend en 1907 à son gendre Paul Desombre, associé à son frère Georges. En 1910, Paul rachète les terrains de son frère et divise en 55 parcelles les trois lots réunis, baptisés « la Plage des Panoramas ». Lors de la création de l’actuelle rue Paul Desombre, le nombre de ces parcelles sera réduit à 33.

 

N°5 – La Seconde Guerre mondiale

 

 

 

L’église Saint-Germain en 1944 (collection privée).

 

L’invasion allemande fait fuir des milliers de familles de Belgique, du nord et de l’est de la France. À Varaville, la commune les héberge au préventorium et dans les villas de particuliers. Le maire Paul Leroy estime la population de la commune à plus de 2 000 personnes. Mi-septembre, après la signature de l’armistice, ils sont tous repartis.

 

Les Allemands s’installent alors au Hôme où ils réquisitionnent 80 villas et le préventorium. Le Hôme accueillera ainsi jusqu’à 800 soldats du Reich. Une antenne de la Kommandantur de Cabourg s’installe au Hôme, villa « Suzanne ». Au mois de mai 1942, la plage n’est plus accessible qu’aux pêcheurs, et seulement par les rues Armand Leclerc et Saint-Louis. Sur la côte, des blockhaus apparaissent un peu partout, construits par des ouvriers requis par l’organisation Todt. La milice, qui réunit près de 80 membres locaux, participe aux rafles, sous l’autorité de la Gestapo. En réponse, la résistance s’organise. Geneviève Cebost, secrétaire de mairie et membre du réseau franco-belge Zéro-France, renseigne sur les troupes établies dans la commune, fabrique des fausses cartes d’identité avec la complicité du maire et exfiltre les réfractaires au STO et les aviateurs abattus. Les informations transmises aux Alliés sur les défenses côtières seront d’une aide précieuse dans la préparation du Débarquement.

 

Au printemps 1944, les Allemands s’attendent à un débarquement allié sur les côtes de la Manche. L’accès aux villas est interdit puis, fin février, la population du Hôme est évacuée. Le maréchal Rommel crée une dérivation de la Dives pour inonder les marais et 600 hectares de prairies pouvant servir de terrains d’atterrissage. Un barrage artificiel, prenant appui sur le pont de la Dives, entre Brucourt et Varaville, fait déborder le fleuve. En quelques semaines, l’eau envahit les marais et atteint le seuil des maisons. Rommel fait également abattre 2 500 pins dans les parcs des villas, afin de planter 5 000 poteaux hauts de 4 mètres sur la plage : les fameuses « asperges de Rommel », reliées entre elles par des kilomètres de barbelés et des chapelets de mines. Enfin, un immense fossé antichar est creusé à travers le terrain de golf, au niveau des trous n°7 et 12, et vers le Bas-Cabourg. Sur les routes, 60 000 mines sont posées.

 

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, des centaines de parachutistes de la 6e Airborne Division britannique sont largués au-dessus de Varaville. Beaucoup tombent dans les marais ; 300 se noient dès leur arrivée. Les paras du 9e bataillon, sous les ordres du colonel Otway, doivent marcher vers la batterie de Merville pour en neutraliser les canons. Sur les 750 hommes largués dans le ciel, seule une centaine parvient à faire taire la batterie, tandis que leurs camarades font sauter les ponts de la Dives afin d’empêcher l’arrivée des renforts ennemis. À Varaville, le château, occupé par les Allemands, est pris d’assaut tandis que les sapeurs dynamitent le pont de la Divette. Des Varavillais font le coup de feu à leurs côtés et les guident dans le marais. Le bourg est libéré à l’aube.

 

Le 7 juin, les Allemands contre-attaquent. Malgré la destruction du pont, la Divette est franchie aisément. Inférieurs en nombre et ne disposant que d’armes légères, les paras canadiens se replient vers Ranville. Évacué, le bourg est bombardé deux mois durant, tandis que les combats font rage de Troarn à Sallenelles. L’église, ravagée, sert d’hôpital militaire.

 

Le 17 août, l’opération Paddle est déclenchée : paras et commandos britanniques, aidés de la brigade Piron, marchent en direction de la Seine. Le commando 3 du colonel Peter Young investit le bourg et fait fuir les Allemands qui détruisent le pont de la Dives derrière eux. Simultanément, les Belges de la brigade du colonel Piron libèrent le Hôme, puis Cabourg. Les bombes ayant éventré les digues, l’eau salée a remplacé l’eau douce et il faudra des années pour que le marais soit de nouveau exploitable. À leur retour, les Varavillais trouvent la chapelle et le préventorium sinistrés, leurs maisons et villas bombardées et pillées. Tout est miné : les parcs des villas, le golf, la plage… Il faut à présent reconstruire : l’avenue Président René Coty et son alignement de maisons verront le jour dans l’après-guerre.

 

N°6 – Le Grand Hôtel et le préventorium

 

 

 

 

En 1877, la Société des terrains du Hôme est constituée par Armand Leclerc et Aimable Roussel, un avocat du Havre. Elle achète deux ans plus tard une parcelle de 6 400 m2 à Jacques Malhéné, sur laquelle elle construit le Grand Hôtel sur la dune, face à la mer. Il est inauguré en 1880. De chaque côté du bâtiment central se trouvent les chambres et les cabines de bains. Un escalier descend à la plage.

 

En 1884, Armand Leclerc rachète l’établissement à la société ainsi que 27 hectares de dunes situées à l’est de la propriété de Jacques Malhéné. Il y construit sa maison « la Léontine » et la chapelle Saint-Joseph. La rue Adrien Lebeaux, qui y mène depuis Cabourg, s’est appelée autrefois « rue Armand Leclerc », jusqu’au jour où elle est débaptisée après-guerre par crainte de confusion avec l’avenue Général Leclerc.

 

Le 20 septembre 1891, Armand Leclerc décide de se retirer. Le Grand Hôtel du Hôme avec 30 lots sont mis en vente par adjudication. Ils trouvent preneur l’année suivante lorsqu’Aimable Roussel acquiert le Grand Hôtel, « la Savoyarde » et 16 hectares de terrain. Le 31 août 1892, après le décès d’Aimable Roussel, ses huit héritiers, dont Vincent Roussel (1864-1934), revendent l’hôtel et une parcelle de 8 050 m2 à William Pineau, hôtelier à Saint-Pierre-lès-Elbeuf. L’établissement devient une succursale saisonnière ouverte deux mois par an. Le reste de l’année, le Hôme est un désert où n’habitent que les gardiens des villas.

 

En 1910, Hilarion Pineau succède à William. Il revend l’hôtel en 1914 à Eugène Guillet. Inoccupé, l’établissement est réquisitionné par l’armée qui en fait une maison de convalescence pour les blessés de guerre. Le 24 mars 1920, Eugène Guillet, très âgé et sans héritier, fait don de l’ensemble à l’association de l’hôpital Saint-Joseph de Paris.

 

La maladie la plus fréquente et la plus redoutée à l’époque est la tuberculose. En 1922, l’hôtel devient un préventorium pour les enfants poitrinaires ou vivant dans un milieu menacé de contagion. Sous la surveillance vigilante des sœurs, ils y trouvent un environnement vivifiant et sain, un équilibre alimentaire, une hygiène de vie et du repos. Entre les rues Jacques Malhéné et Adrien Lebeaux, l’association dispose pour ses petits pensionnaires d’un grand espace de dunes où seront plantés des pins et des cyprès.

 

En 1925, grâce au don de Madame de Sarres, le préventorium se dote d’une chapelle et d’une aile afin de recevoir les enfants, de plus en plus nombreux en période estivale. La chapelle est bénie par le vicaire général de Bayeux. Les familles parisiennes rendre visite à leurs enfants découvrent la région et certains choisissent d’y revenir ou d’acquérir une parcelle pour y bâtir une résidence d’été. Sans l’avoir recherché, le Préventorium fait ainsi la promotion du Hôme.

 

Vers 1964, le préventorium est finalement démoli pour laisser place en 1969 à la résidence Saint-Joseph. À ce jour, seul subsiste, à l’angle de la rue Guillaume le Conquérant et de l’avenue du Grand Hôtel, l’ancien pavillon d’isolement où les petits malades contagieux étaient mis en quarantaine.

 

N°7 – Le poste de secours “Le Mora”

 

 

 

 

En 1066, pendant six mois, Guillaume, qui n’est pas encore le Conquérant, rassemble sa flotte dans l’estuaire de la Dives, face au petit village de pêcheurs de Dives-sur-Mer, pour y préparer la conquête de l’Angleterre.

 

De nombreux bateaux mouillent à Varaville. Le millier de grands navires servant au transport de l’armada exige une organisation et un espace considérables. Pendant six mois, il faut loger et nourrir les hommes et les chevaux, construire des magasins pour stocker les vivres et le matériel, forger des armes et des clous, cuire du pain…

 

En provenance de Barfleur, où il a été construit, le navire amiral de Guillaume, le « Mora », attend dans l’estuaire son appareillage pour Saint-Valéry-sur-Somme.

 

Le Mora est un cadeau de la duchesse de Normandie, Mathilde de Flandre. À sa proue, un angelot doré désigne de son index droit l’Angleterre tandis que sa main gauche porte à sa bouche un cor d’ivoire. En remerciement, le Conquérant offrira le riche comté de Kent à la reine Mathilde. Le Mora et les autres navires de Guillaume ont été conçus dans l’esprit des navires vikings. À la manière de ses ancêtres vikings, Guillaume l’équipera d’une girouette dorée.

 

On s’est beaucoup interrogé sur l’origine même du nom Mora. Il pourrait avoir une origine noroise et faire référence à l’élection des rois de Suède où, lors d’une assemblée appelée « Thing de Mora », sur un monument de pierres connu sous le nom de « Morasteinninn » (la « pierre de Mora »), le futur roi est intronisé. Ce choix exprimerait la volonté de Guillaume de se faire couronner roi d’Angleterre. À moins qu’il ne soit l’anagramme du mot « Amour » en latin ou qu’il ne désigne en ancien français la pointe d’une lance ou d’une épée, ce qui ferait de ce navire le « fer de lance » destiné à conduire la traversée vers l’Angleterre, sous la protection de Dieu et de ses saints.

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N°8 – Le golf de Cabourg – Le Hôme

 

 

 

En 1907, Charles Bertrand, propriétaire du Grand Hôtel de Cabourg et du casino, souhaite la création d’un golf. Plutôt que d’acquérir des terrains dans les dunes en bord de mer, il utilise une partie du champ de courses au sud de l’avenue Président René Coty. Il fait dessiner un premier parcours de 18 trous d’environ 6 000 mètres, réalisé par Lane Jackson, un sportman anglais concepteur du golf du Touquet. Sur une superficie de 42 hectares, le nouveau parcours se compose d’une bande sablonneuse le long de la route et d’une autre dans le marais.

 

Le 7 juillet 1907, lors de l’inauguration du golf, un match acharné oppose le champion du monde français Arnaud Massy, vainqueur du British Open, au professeur de golf Dominique, originaire comme lui de Biarritz. Le parcours est particulièrement prisé par la clientèle anglaise et américaine.

 

En 1910, Charles Bertrand crée la « société fermière des Grands Établissements » et y intègre le Grand Hôtel, le Casino et les jardins.  La «Compagnie Ruhl » en devient le gestionnaire. Henry Ruhl, d’origine anglaise et naturalisé Français en 1907, est un riche propriétaire de 80 hôtels et casinos de luxe à Nice, Cannes, Paris, Le Havre.

 

Désirant agrandir ce dernier en créant de nouveaux links sur les dunes,  la société fermière fermière des Grands Établissements contacte Lane Jackson qui, déjà engagé sur le projet de Stoke Park en Angleterre, transmet la demande à son ami Harry Colt, une future célébrité mondiale. Par manque de place pour créer un « 18 trous » entièrement en bord de mer, Colt propose une solution alternative : il créera seulement cinq nouveaux trous côté mer et transformera les 18 premiers trous du marais en 13 trous. À l’époque, la rue Henri Deicke traverse encore le « nouveau golf ». Sa dangerosité entraînera toutefois sa fermeture en 2001.

 

En 1923, la « Société Fermière des Grands Établissements » acquiert les 8 hectares sur lesquels se trouvent les cinq trous du « golf des dunes ». Ouvert du 1er juin au 1er octobre, le parcours mesure 5 226 mètres pour un par 69. Les succès s’enchaînent de 1924 à 1927. Malgré tout, la crise de 1929 et l’ouverture du golf de Sarlabot à Dives-sur-Mer en 1930 sonnent pour un temps le glas du golf de Cabourg le Hôme.

 

En 1932, Cabourg désire à nouveau disposer d’un golf afin d’y attirer une clientèle aisée. La ville achète 38 hectares de terrains au sud de l’avenue Président René Coty et les loue à la « Société du Golf et de l’Aéroport de Cabourg ». Les « dunes », toujours propriété de la « Société Fermière des Grands Établissements », sont quant à elles louées à la ville pour un denier symbolique. Toutefois, en dépit d’importants travaux de remise en état, le succès n’est pas au rendez-vous. En 1934, un an seulement après sa réouverture, la « Société du Golf et de l’Aéroport de Cabourg » est déclarée en faillite. Monsieur Desportes, directeur et professeur de golf, propose alors ses services et le golf rouvre ses portes en 1936. Mais, fin 1938, les comptes sont de nouveau catastrophiques et la ville abandonne.

 

En 1952, Philippe Gintz fonde la « Nouvelle Société du Golf » et propose à Cabourg de le recréer après quinze ans d’abandon, principalement pendant la guerre. Le golf des dunes est alors loué à la « Société Fermière des Grands Établissements », puis racheté par la ville de Cabourg en 1956. L’ancien club-house détruit est rebâti en planches.

 

En 1963, la SCI « Les Sables » achète la dépendance de la villa du même nom qui devient le nouveau club-house. En 1966, la reconstruction du golf se termine : sur 20 hectares, il comporte 11 trous par 3 sur 4 500 mètres pour un par total de 64.

 

En 1985, les villes de Cabourg et de Varaville s’associent pour créer un syndicat intercommunal qui achète 23 hectares de terrain depuis la route vers le sud, dans le marais. L’année suivante voit le début des travaux d’agrandissement avec l’aide de l’architecte Olivier Brizon. Un practice et deux greens d’entraînement voient le jour sur d’anciennes parties du golf de 1907. Le parcours remodelé mesure désormais 5 500 mètres pour un par 68 avec plusieurs obstacles d’eau. En 2008, la modification du trou n°6 porte le par à 69.

 

N°9 – Le poste de secours “Les Seigneurs”

 

 

 

 

En 1065, par l’intermédiaire de l’archevêque de Canterbury, le roi Édouard le Confesseur offre à Guillaume de Normandie sa succession au trône d’Angleterre. Mais, à sa mort, le 5 janvier 1066, Harold Godwinson, jeune chef du parti anglo-saxon, renie son serment de fidélité et se fait proclamer roi par les nobles anglais. Il est sacré à Westminster sous le nom d’Harold II.

 

Par ce parjure, s’estimant dépossédé de son héritage, Guillaume obtient l’appui du pape Alexandre II et se prépare à traverser la Manche avec 8 000 hommes, dont 3 000 cavaliers, pour s’emparer du trône.

 

Le 29 septembre 1066, il débarque dans la baie de Pevensey, dans le Sussex, alors que l’armée de Harold affronte à Stamford Bridge le roi viking de Norvège Harald Hardrada.

 

Apprenant le débarquement de l’armada normande, Harold lance son armée à marche forcée vers Hastings où les Normands se sont retranchés. Le 14 octobre s’engage alors la bataille mythique, immortalisée par la Tapisserie de Bayeux, à l’issue de laquelle Harold trouve la mort. Guillaume devient roi d’Angleterre.

 

Parmi les compagnons du Conquérant, dont la liste, dressée par Arcisse de Caumont, est gravée au-dessus du portail d’entrée de l’église de Dives-sur-Mer, figurent les noms de deux chevaliers, Raoul de Beaufou et son frère Guillaume, issus du lignage des seigneurs de Varaville.

 

En récompense, Raoul de Beaufou (1040-1102) devient lord de Hockering et sheriff de Norfolk de 1091 à 1102. Quant à son frère Guillaume (1025-1091), il reçoit ou acquiert 251 manoirs dans le Norfolk et le Suffolk, et devient évêque de Tetford à la fin de sa vie, le 25 décembre 1085.

 

N°10 – La première bataille de Varaville

 

 

 

 

Harald Blatand – Fresque du XVIe siècle à la cathédrale de Roskilde.

 

En 936, à la mort du roi Raoul de Bourgogne, la couronne des Francs revient à Louis IV d’Outremer, fils de Charles le Simple. Revenu d’exil en Angleterre, Louis rêve de revanche et songe à reprendre au duc de Normandie, Guillaume Longue-Épée, les territoires jadis cédés par son père à Rollon. En 943, la mort de Longue-Épée, dont le jeune héritier Richard n’est encore qu’un enfant âgé de douze ans, lui en donne l’occasion.

 

L’historien normand Guillaume de Jumièges rapporte qu’un chef viking nommé Harald est venu mener des raids vikings en Normandie, dans le Bessin et le Cotentin, où la souveraineté franque n’est pas encore clairement établie sur les seigneurs bretons. C’est alors que Louis IV saisit lui aussi l’occasion pour envahir la Normandie à la tête de son armée. En riposte, le régent de Richard, Bernard, en appelle aux vikings de Harald afin qu’ils défendent le jeune duc contre le roi franc. En 945, depuis le Cotentin, Harald et sa flotte débarquent sur la rive gauche de l’estuaire de la Dives, non loin du lieu-dit « la Saline de Corbon », que Dudon de Saint-Quentin (XIe siècle) et Robert Wace (XIIe siècle) situent près de Varaville. Ils se dirigent ensuite vers le pont de Dives-sur-Mer où une rencontre diplomatique est prévue entre les gens du roi et ceux du duc.

 

Arrivés de chaque côté du pont, les deux parties en viennent rapidement aux armes. Les Normands prennent le dessus et parviennent à capturer le roi Louis qui sera libéré plus tard en échange d’une forte rançon et de la promesse de ne plus attenter au pouvoir du jeune duc Richard.

 

L’identité de ce Harald a fait couler beaucoup d’encre : s’agirait-il, comme le veut la légende, de Harald Ier à la dent bleue, roi du Danemark exilé par ses fils ? Pour l’anecdote, Harald à la dent bleue devrait son surnom à ses dents, gâtées ou peut-être plus joliment colorées par les myrtilles, dont il aurait été extrêmement friand… Mais cette identification est très incertaine. Plusieurs chefs vikings, dont les noms nous sont inconnus, sont alors établis en Normandie et les ducs de cette époque sont en mesure de s’attacher leurs services en cas de nécessité. Quoi qu’il en soit, Harald à la dent bleue nous a bien légué, avec son nom, un étrange héritage.

 

En 1997, IBM, Intel, Ericsson, Nokia et Toshiba travaillent au développement d’une technologie permettant la communication entre appareils. Alors qu’ils cherchent un nom pour ce projet, deux ingénieurs d’Intel et Ericsson boivent un verre à Toronto et, passionnés d’histoire, en viennent à parler d’un livre retraçant la vie du roi Harald qui a unifié le Danemark et la Norvège au Xe siècle. Comme Harald à la dent bleue (Bluetooth en anglais), ils s’efforcent, eux aussi, d’unir des technologies de communication.

 

Trouvant l’idée géniale, ils créent alors un visuel représentant une pierre runique sur laquelle le roi Harald tient un téléphone dans une main et un ordinateur dans l’autre. L’équipe décide de garder le nom de « Bluetooth ». Le célèbre logo bleu et blanc représente les initiales du roi danois, H et B, en alphabet runique, unies pour former ce symbole incontournable.

 

N°11 – Le champ de courses et l’aérodrome

 

 

 

 

 

En 1870, Jean Gimet, préfet du Calvados, annonce la naissance d’une société dans le but de créer un centre d’élevage et de courses hippiques. C’est ainsi que l’hippodrome s’installe à Varaville, sur 42 hectares situés au sud de l’avenue Président René Coty, depuis le golf actuel jusqu’à l’avenue Général Leclerc, 600 mètres plus loin. La piste de plat, longue de 2 200 mètres (trot et galop), et la piste de steeple-chase (9 obstacles) sont tracées à travers les prés et ceinturées d’une barrière équestre blanche, composée de lices en bois sur laquelle s’appuient les spectateurs endimanchés. Fréquemment inondées l’hiver, les pistes doivent être remises en état chaque année.

 

De l’autre côté du champ de courses, près de la rue Saint-Charles, se trouve « Le Village ». Cet ensemble de bâtiments en forme de L, ouvert sur l’avenue Président René Coty, est le haras de dressage des chevaux de course. Un ancien jockey, Gabriel Dijol, propriétaire de la villa du même nom, y est entraîneur. Début août, lors de deux jours de festivités, des tribunes en bois sont montées pour accueillir les spectateurs de plus en plus nombreux. Elles sont ensuite démontées jusqu’à l’année suivante. Les courses de Varaville succèdent alors à celles de Caen qui ont lieu le premier dimanche d’août. Chacun y rivalise de parures, de tenues et d’équipages. Les concours hippiques sont un lieu de rendez-vous, de distraction et un concours d’élégance pour les dames. Le gotha de Cabourg aime s’y rendre ; ainsi à proximité du Grand Hôtel de Cabourg, Marcel Proust et ses amis louent un fiacre qui les transporte jusqu’au Hôme. Les créateurs du champ de courses parient sur l’attrait de ces manifestations équestres à la manière de Deauville. C’est une période faste et, au fil des années, l’attrait de ces manifestations hippiques et de loisirs se confirme. En face de l’entrée, de nouvelles écuries sont construites en dur.

 

La Grande Guerre marque un coup d’arrêt pour les courses mais, dès la fin du conflit, le champ de courses revient à la vie sous l’impulsion du général Gossart, président d’une nouvelle société. Ce dernier possède la villa « le Manoir », au Hôme. Il est maire de Varaville de 1933 à 1937.

 

La guerre développe aussi l’industrie aéronautique. Le 1er mai 1919, une liaison aérienne voit le jour entre Paris et Cabourg et un accord est conclu entre la société du « Grand Hôtel et Casino » et la société aéronautique Farman. Début mai, les hangars Farman, acheminés en gare de Dives-sur-Mer, sont installés par les soldats du génie à l’endroit réservé, sur l’hippodrome, pour l’atterrissage des avions. Au mois d’août, les vacanciers peuvent ainsi, en surmontant le confort spartiate des fauteuils en osier, survoler la côte et se rendre en avion à Paris en moins de deux heures.

 

En 1928, le champ de courses du Hôme déménage au profit du golf et s’installe au Bas-Cabourg, au terme d’une aventure hippique de 57 ans. Longtemps après, une partie des terrains de l’ancien champ de courses serviront aussi aux bulbiculteurs de Varaville.

N°12 – Le marais

 

 

 

 

Les marais de nos jours (collection privée).

 

La basse vallée de la Dives abrite aujourd’hui 10 000 hectares de marais. Aux époques gauloise et romaine, la mer remonte jusqu’à Troarn. Des paysans peuplent ses rives ; à Varaville ou à Dives-sur-Mer, ils produisent du sel sur des fourneaux. Dives-sur-Mer accueille sans doute un port à l’époque romaine. Puis, au cours du premier Moyen Âge, la mer se retire peu à peu, laissant place à l’eau douce. Cette époque voit la formation de nos villages, dont Varaville. Leurs habitants apprennent à vivre au rythme de l’eau, des crues du fleuve et des marées.

 

En 1022, Roger de Montgomery, un haut seigneur normand, fonde l’abbaye Saint-Martin de Troarn sur ses propres terres. En 1048, avec l’accord de Guillaume, il y installe des bénédictins. L’abbaye est en surplomb du marais ; sa dédicace a lieu en 1059. À partir de cette époque, les moines de Troarn exploitent de vastes étangs, des moulins, des pêcheries, des roselières, des prairies à travers tout le marais, ainsi que des salines dans l’estuaire. Le port et le marché de Dives-sur-Mer, les foires de Troarn se développent. Les moines-ingénieurs déploient ici un extraordinaire savoir-faire. Ils tracent des chemins, jettent des ponts, aménagent en canaux navigables des bras d’eau naturels, élèvent des digues… Leur but n’est pas d’assécher le marais, mais d’en contrôler l’eau. L’année au marais se décompose en deux saisons de six mois, séparées par les équinoxes de printemps et d’automne. De mars à septembre, on lève les vannes et l’eau s’écoule vers la mer. Le marais devient vert et on y mène paître le bétail. De septembre à mars, les vannes sont baissées et l’eau revenue fertilise les prés et alimente étangs, pêcheries et moulins. Les moines font alors grande provision d’anguilles pour les consommer toute l’année. Ils élèvent aussi des cygnes.

 

Cet équilibre s’est renversé à la fin du Moyen Âge, le recul de la mer, la sédimentation et les activités humaines entraînant le comblement graduel de l’estuaire et de la vallée. Au XVIIe siècle disparaît l’un des deux anciens bras de la Dives, en amont de Troarn, tandis que la Divette se réduit à un modeste cours d’eau. On s’efforce alors de coucher le marais en herbe pour l’élevage bovin. Sous ordre du roi, des canaux de dessèchement sont creusés sur le modèle hollandais, puis les premières portes à flots sont mises en place au Bas-Cabourg. Peu à peu, l’estuaire lagunaire se couvre de prairies verdoyantes et les grandes fermes d’élevage d’Osseville et du Hôme voient le jour. Là où se rassemblaient les drakkars de Guillaume le Conquérant paissent désormais moutons, vaches et bœufs, sur d’immenses herbages quadrillés de fossés en eau et de haies. Parfois, en période de crue, le marais se couvre d’eau et « blanchit », retrouvant son aspect d’autrefois.

 

Au bord du chemin de l’Anguille se trouve la tombe de monsieur Audry, ingénieur en chef des travaux maritimes du Havre, ancien élève de l’école des Ponts et Chaussées, qui le premier réussit à drainer le marais au moyen d’un réseau de canaux. En 1803, il y est inhumé à sa demande. Le marais est aujourd’hui sillonné par un dédale de chemins long de 35 kilomètres. Aulnes, saules, peupliers, aubépines, ormes, pruneliers bordent ses fossés, protègent du vent, régulent les eaux et fixent les berges. L’eau des fossés permet l’irrigation des champs et l’abreuvage du bétail. Elle est gérée grâce à un vannage, système de régulation, passant par la Divette puis la Dives. Peupliers noirs et saules blancs hantent le paysage : ce sont les « trognes », arbres têtards appelés aussi « têtus ». Les cavités de leurs troncs sont des réservoirs de biodiversité. Ils ont fourni autrefois bois de chauffage ou osier pour la vannerie. La faune et la flore du marais sont exceptionnelles ; on y recense 167 espèces d’oiseaux sédentaires ou migrateurs dont la cigogne, 47 de mammifères dont le ragondin, 557 d’invertébrés dont l’agrion de Mercure, 5 de reptiles dont la couleuvre à collier, 45 de poissons dont l’anguille, 14 d’amphibiens dont la grenouille verte, et enfin 840 espèces végétales dont la nivéole d’été. Dans ce milieu remarquable et protégé se côtoient aujourd’hui agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, randonneurs et naturalises.

 

N°13 – La ferme du Hôme

 

 

 

D’après Jules Servette, le Hôme (autrefois le Homme) est au XIXe siècle un petit hameau réunissant quelques maisons et surtout une grande ferme avec chapelle, établies sur une sorte d’île séparée de la plage par des dunes broussailleuses. Ce hameau dépend du bourg, paroisse de Varaville, fondé au Moyen-Âge au débouché ouest de la chaussée romaine qui permet de franchir les marais de la Dives. La grande ferme du Hôme a probablement succédé à un ancien manoir seigneurial. On trouve en effet mention en 1489 de l’achat d’une terre au Homme et au lieu-dit Suhomme par Robert Hugues Anzeray de la Hogue (1450-1518), écuyer et lieutenant général du vicomte de Caen, à Raoul de Saffray (1460-1511), propriétaire d’une grande partie de la seigneurie de Varaville. Le nouveau propriétaire fait ériger là un manoir et devient ainsi le premier seigneur de Suhomme. À la demande des habitants qui ne peuvent se rendre l’hiver à l’église du bourg en raison de l’impraticabilité des chemins inondés, il fait édifier une petite chapelle sous le patronage de Saint-Christophe, qui sera détruite en 1789. Face au pré dit « de la chapelle », on retrouve les vestiges de son implantation enchâssée dans l’angle du pignon sud du bâtiment du XVIe siècle. La ferme actuelle conserve, dans une niche, une réplique du saint, sous l’invocation duquel est également placée la nouvelle chapelle du Hôme en 1879.

 

La ferme actuelle s’organise autour d’une vaste cour carrée de 80 mètres de côté. L’habitation principale est coiffée d’un clocheton qui a servi autrefois à sonner l’angélus pour les ouvriers agricoles, au travail dans les herbages. Il vient d’être restauré à l’identique le 17 septembre 2018. La cloche de 1880, baptisée « Amandine Augustine », du nom de la propriétaire madame Commeint veuve Philippe Dugrais, s’y trouve encore. La partie conservée la plus ancienne de la ferme, remontant au XVIe siècle, correspond à l’angle du fond de la cour ainsi qu’à la petite maison d’habitation du fermier. On accède à la cour depuis la route par deux belles portes cintrées en pierre de taille, construites à la même époque que la maison d’habitation dont la façade est datée de 1738. À cette époque, la ferme appartient encore aux descendants directs de Robert de la Hogue : Catherine Moisant de Brieux et André de Costard de Bursard. En 1736, lors de la vente à Gabriel Le Roy d’Hautemare, leur domaine comprend la terre et la ferme du Homme et de Suhomme, avec les dunes et les dunettes qui s’étendent jusqu’à la mer. Ils sont les derniers héritiers de la seigneurie de Suhomme. Plus personne après eux ne portera ce titre. En 1808, lors de la vente du domaine par les demoiselles Le Roy d’Hautemare, la propriété s’étend sur environ 188 hectares, dont 153 de dunes, et ne comporte plus la terre de Suhomme. En 1864, elle est revendue sur 220 hectares par le marquis Marc de Saint-Pierre à Jacques Malhéné.

 

De part et d’autre de l’entrée, un « chasse-roue » protège l’embrasure de la porte des chocs causés par les roues des charrettes, cerclées de fer. La grange-étable formant l’aile ouest date quant à elle du XVIIe siècle, et celle située au sud de 1851. Des fouilles ont mis à jour un pressoir dans son retour. Les « meurtrières » percées dans ses murs sont en réalité des trous d’aération pour les animaux. On dénombre en outre 41 boulins ou trous de colombier, servant de nids aux pigeons, ce qui indique, dans la tradition normande, que la ferme a alors régné sur un domaine de 20,5 hectares de marais.

 

On relève la présence d’os de mouton insérés dans l’épaisseur des murs pignon sud des XVIe et XIXe siècles. Imputrescibles, contrairement au bois, ils ont autrefois servi à consolider et assécher les pierres, et ont supporté une vigne courant sur toute la façade. Entre les bâtiments du XVIe et du XVIIIe siècles, un passage comporte six niches dont la fonction n’est pas connue ; on peut supposer qu’elles ont abrité des petites statues ou des objets en rapport avec la vie agricole.

 

Le cadastre de 1826 montre des bâtiments aujourd’hui disparus : des granges fermant la cour carrée et un bâtiment sur le chemin des marais.

 

Tout près de la ferme, le long du chemin des marais, subsiste un blockhaus intact qui a servi de

 

N°14 – Les résistants déportés

 

 

 

 

De droite à gauche, Victor Laveille, Paul et Albert Marion (collection privée).

 

1 – Albert Marion (1907-1988) : Avec son frère Paul, il fait partie du réseau Zéro-France. Ingénieur au cadastre à Caen, il renseigne les Alliés sur le mur de l’Atlantique. Le 12 avril 1944, Albert Marion est arrêté lors d’une rafle qui démantèle le réseau. Il est déporté le 4 juin à Neuengamme, puis transféré à Falkensee, kommando de Sachsenhausen. C’est un détachement issu du camp de Klinker qui sert de main-d’œuvre dans les usines d’armement « Demag » pour la fabrication d’obus et de chars lourds. À l’approche de l’Armée rouge, les déportés négocient la libération du camp avec le commandement allemand. Le 24 avril 1945, le camp est abandonné puis libéré par les Soviétiques deux jours plus tard.

 

2 – Paul Marion dit « Léo » (1919-2004) : En juin 1939, engagé dans l’Armée de l’air, il est affecté à l’école d’aviation de Rochefort. Évacuè le 10 juin il incorpore le mouvement « Jeunesse et Montagne ». Démobilisé en juillet 1941, il se fait embaucher comme agent auxiliaire du cadastre et magasinier dans l’entreprise chargée de la construction de la batterie de Merville. Il accomplit, pour son frère Albert, ses premières missions de renseignement au sein du réseau Zéro-France. En mai 1943, requis par le STO, il se réfugie dans la Creuse chez des amis. En août, à 23 ans, il intègre le maquis de la Souterraine et rejoint une « école clandestine des FTPF » destinée à former des chefs de maquis. En octobre, sous le pseudonyme de « Léo », il devient chef du « détachement Gardette » à Claviéras. Son groupe réceptionne l’un des premiers parachutages d’armes destinés aux FTPF de Dordogne et s’illustre en détruisant des dizaines de locomotives, en sabotant des voies ferrées, des dépôts de

chemin de fer ou des usines réquisitionnées par l’occupant. Fin janvier 1944, il est nommé responsable militaire régional des FTPF pour toute la Dordogne. Le 22 février, il est arrêté à Lesparat lors d’un contrôle de la Gestapo qui précède un convoi de SS, puis interné à la prison de Périgueux d’où il est ensuite transféré, le 30 mars, au camp de Compiègne-Royallieu. Déporté le 6 avril 1944 vers Mauthausen, il est affecté au kommando de Melk, sous le matricule « KLM 62761 ». Il y travaille à la construction d’une usine souterraine. Evacués au camp d’ Ebensee, au Tyrol, il est libéré par les Américains le 5 mai 1945. Il revient en France, avec sept de ses camarades rescapés, dans une voiture d’État-major dérobée à la Wehrmacht.

 

3 – Victor Laveille dit « Jojo » (1924-2002) : En 1941, à 16 ans, Joseph Danlos, résistant à Merville, le fait entrer au sein du réseau Zéro-France. En 1943, son ami Paul Marion le convainc d’intégrer avec quatre autres jeunes, dont Renée Tisselli, son réseau de FTPF en Dordogne. Il y rejoint le groupe « Gardette » sous le pseudonyme de « Jojo ». Sous les ordres du commandant Duthil, il prend part à de nombreuses actions de combat et de sabotage. Le 4 mars 1944, au lieu dit le Capelot, à Sainte-Marie-de-Chigniac, son groupe monte une embuscade pour intercepter une voiture de miliciens et un convoi de déportés juifs. Mais alors que personne ne l’attend, un autre convoi, de la Division Brehmer, unité spécialisée dans la lutte contre les maquis, se présente en provenance de Périgueux. Repérés, les FTPF ouvrent le feu tandis que les Allemands sautent des camions et entament leur chasse à l’homme. Victor est capturé et conduit à la prison de Périgueux pour y être interrogé et torturé, puis interné à Limoges où il y retrouve Paul Marion, qu’il feint de ne pas connaître. Transféré au camp de Royallieu, à Compiègne, il est déporté le 4 avril 1944 vers Mauthausen où il reçoit le matricule « KLM 62661 ». Le 24 juillet 1944, Victor est affecté au kommando d’ Ebensee où il creuse des tunnels pour les usines d’armement, jusqu’à sa libération par les Américains le 6 mai 1945

 

 

 

Renée Tisselli (collection privée).

 

4 – Renée Tisselli (1921-2020) : Après l’appel du 18 juin 1940, elle retranscrit les informations transmises à la BBC et les diffuse sous forme de tracts. En décembre 1943, Paul Marion la recrute. Renée est affectée au service des liaisons et renseignements. Parcourant la Dordogne à vélo, elle transmet des consignes verbales aux maquis. Le 21 février 1944, elle est arrêtée dans son appartement lors d’un échange de documents avec le responsable militaire interrégional. Après un violent interrogatoire, elle est incarcérée à la prison du champ de foire de Limoges, puis déportée le 18 avril à Ravensbrück où elle reçoit le matricule « 50817 ». Sous les coups et les injures, douze heures par jour, les déportés doivent y assainir un marais, à la pelle et à la pioche. Le 4 juin, elle est transférée au kommando de femmes d’Holleischen où elle travaille pour l’usine de munitions Skoda. Le 3 mai 1945, le camp est libéré par des partisans tchèques et polonais, puis Renée est rapatriée le 20 mai par l’armée américaine.

 

N°15 – Le poste de secours “Le Conquérant”

 

 

 

 

La flotte de plus d’un millier de grands navires, sans doute deux ou trois mille embarcations en tout, est rassemblée à travers tout l’ancien estuaire de la Dives, qui forme une immense rade naturelle longue de cinq kilomètres et large de trois kilomètres, entre Cabourg à l’ouest, Dives-sur-Mer à l’est, et Périers-en-Auge et Varaville au sud. Des dizaines d’embarcations se sont alignées, à Varaville, entre la vieille chaussée romaine et les dunes, sur les berges de la Dives et de la Divette. À cette époque, la mer entre profondément dans l’estuaire et baigne la chaussée à marée haute. Au sud s’étendent les marécages ; la terre ferme ne dépasse pas, en rive gauche, le lieu-dit « la Cour de la Maison ». Les dunes, désertes, sont accessibles à marée basse et l’on circule en barques dans le marais de l’estuaire.

 

Cet immense rassemblement prend fin le 12 septembre 1066, peu avant l’aube, avec l’appareillage de la flotte pour Saint-Valéry-sur-Somme. Le duc de Normandie se prépare ainsi à rentrer dans l’Histoire…

 

De nouveau s’ensuit une longue attente de vents favorables. Le 28 septembre, Guillaume apprend le débarquement de son rival le roi de Norvège Harald Hardrada, en Yorkshire, au nord de l’Angleterre. Il décide de reprendre la mer en fin d’après-midi afin de profiter du fait que l’armée d’Harold Godwinson est aux prises avec les Norvégiens.

 

Porté par le courant de jusant, la flotte normande atteint enfin la baie de Pevensey, dans le Sussex, à l’aube de la Saint-Michel, le 29 septembre 1066.

 

Guillaume et ses barons débarquent sans rencontrer de résistance et marchent vers l’armée d’Harold, regroupée à Hastings. La bataille qui s’ensuit le 14 octobre le consacre vainqueur de l’une des plus audacieuses expéditions de l’Histoire.

 

Le 25 décembre 1066, Guillaume de Normandie est sacré roi d’Angleterre dans l’abbaye de Westminster.

 

N°16 – L’église Saint-Germain

 

 

 

 

Vers 1210, pour le salut de son âme, Robert de Beaufou donne l’église Saint-Germain de Varaville aux moines de Saint-Martin de Troarn. Cette dédicace est certainement très ancienne. En Normandie, tout comme l’invocation à Saint-Martin, elle indique généralement une fondation du haut Moyen Âge et témoigne de l’ancienneté du village et de la paroisse de Varaville, sans doute bien antérieurs à l’an mil. Bien que loin de pouvoir rivaliser avec sa riche aînée de Merville, l’église de Varaville conserve quelques trésors : son chœur du XIIIe siècle de style gothique, sa tour centrale en bâtière, probablement du XVe siècle, une magnifique Vierge à l’Enfant du XIVe siècle, un grand christ en bois au regard douloureux tourné vers le ciel et des fonts baptismaux à godrons du XVIIe siècle.

 

En novembre 1932, en déplaçant l’autel vermoulu d’une chapelle dédiée à Saint-Marcouf, abattue en 1733 lors de la réfection de la nef de l’église, on découvre une excavation sous le tombeau de l’autel. Des plâtras et de la terre, on exhume des statues d’une réelle beauté qui, bien qu’elles aient été brisées par les Huguenots lors des guerres de religion, ont traversé les siècles jusqu’à nous :

  • – Une Vierge couronnée et souriante tenant à la main trois roses, avec le hanchement et le plissement droit caractéristiques du XIVe siècle ; elle est intacte mais l’Enfant manque. L’abbé Étienne fait alors appel au sculpteur caennais Henri-Joseph Bouet qui restitue le sujet manquant. La statue, en pierre, est haute de 120 centimètres. Elle reprend sa place dans une chapelle du transept ;
  • – Une statue en pierre de Saint-Germain, abbé mitré, replacée en face de la Vierge sur l’autel, haute de 130 centimètres ;
  • – Une statue en pierre de Saint-Marcouf, enfant de Bayeux, haute de 1 mètre ;
  • – Une statue en bois de Saint-Augustin, évêque, du XVIIe siècle, haute de 160 centimètres, don d’une famille varavillaise qui l’avait reçue en héritage.

En 1944, les bombardements alliés détruisent la nef de l’église Saint-Germain et les Allemands font sauter le clocher avant de partir. Une cloche, fondue et installée en 1816 dans le vieux clocher, est retrouvée parmi les décombres et rapportée au Hôme afin d’être hissée dans le nouveau clocher de la chapelle Saint-Joseph. Le chœur du XIIIe siècle n’a pas conservé sa voûte d’origine mais deux murs intacts en subsistent, tandis qu’un troisième est ouvert en 1944 par une large brèche sur toute sa hauteur. On le couvre après-guerre d’une toiture en tôle et la brèche est provisoirement masquée par une palissade. L’église devant être reconstruite entièrement, le projet de Simon Vermont sera retenu en 1951. Entre-temps, en 1949, l’évêque Monseigneur Picaut bénit la cloche neuve de la future église qui, en attendant l’achèvement du chantier de reconstruction, est installée dans un campanile, à l’entrée du cimetière.

 

Au terme d’une longue attente, le 26 juillet 1963, la nouvelle église de Varaville est enfin consacrée. Deux cloches neuves, fondues à Villedieu-les-Poêles et baptisées Noëlle-Brigitte-Marie-Jeanne-Lucienne et Louise-Suzanne-Laurence-Thérèse, rejoignent celle déjà bénie en 1949. L’abbé Étienne, qui se désole de la destruction de la statue de la Vierge, brisée en quatorze morceaux, a la joie de la voir regagner sa place le jour de la dédicace, après sa restauration complète par un sculpteur espagnol.

 

À ce jour, on retrouve dans l’église Saint-Germain le grand Christ en bois dominant l’autel, les fonts baptismaux et surtout la belle Vierge à l’Enfant du XIVe siècle, tous trois rescapés de la guerre. Le chœur conserve l’épitaphe de Jacques de Saffray, seigneur de Varaville. Redécouverte en 1895 après de longs siècles, cachée sous une boiserie, elle est descellée lors de la destruction de l’église en 1944 et replacée sur le mur nord.

 

N°17 – La naissance de Varaville

 

 

 

 

 

Des vestiges de salines gauloises ont étés mis au jour à Varaville, témoignant de l’ancienneté de son peuplement. Au début de notre ère, les légionnaires romains créent une route droite et surélevée permettant de franchir le marais, entre Varaville et Périers-en-Auge. Longue de quatre kilomètres, elle offre l’aspect d’une haute digue de pierre, reliée aux ponts de la Divette et de la Dives. Jusqu’alors, on ne peut franchir cet espace que très en amont, à hauteur de Frénouville. Désormais, la Dives devient franchissable en aval du port de Dives-sur-Mer, où un autre passage, dû peut-être lui aussi aux Romains, existe certainement au haut Moyen Âge. En aval de la chaussée de Varaville, l’estuaire forme une vaste lagune protégée de la mer par un cordon de dunes. La mer, à chaque marée, s’y engouffre et vient baigner le pied de la chaussée qui l’empêche de remonter dans les terres. Les habitants de Varaville cultivent alors des terres situées de l’autre côté, au sud. Au nord s’étendent les grèves et les petites îles (ou « hogues »), sur lesquelles ils produisent du sel au printemps et mènent leurs troupeaux de moutons. Le village, doté d’une église dédiée à saint-Germain, se développe au cours du haut Moyen Âge, non loin de la petite agglomération portuaire de Dives-sur-Mer.

 

À partir des années 860, de grandes armées de vikings venues d’Angleterre lancent des raids dans la basse Seine et alentour. Ils en viennent rapidement à hiverner sur place, sur des îles de la Seine ou dans de petits ports, depuis lesquels ils partent, en bateau ou à cheval, piller villes, abbayes et églises. Il est fait mention à plusieurs reprises de la présence de bandes vikings dans l’estuaire de la Dives entre 860 et 911. De leur base, sans doute située près de Dives-sur-Mer ou de Varaville, ils partent en expédition vers Chartres ou Paris. On ignore quelles relations ils entretiennent avec les locaux : violentes ou amicales ? En 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, les vikings de la Seine reçoivent le droit de s’établir en Haute-Normandie, autour de Rouen. En 924, grâce à son ralliement à Raoul, nouveau roi des Francs, Rollon adjoint à son domaine les diocèses de Bayeux et du Mans. La basse Dives et Varaville entrent officiellement dans le domaine des premiers ducs de Normandie.

 

En 1066, deux seigneurs de Varaville, les frères Raoul et Guillaume de Beaufou, prennent part à la conquête de l’Angleterre. Leur héritier, Robert II de Beaufou, apparaît parmi les vassaux du comte d’Évreux, à qui appartient la haute autorité sur Varaville, symbolisée par le château à motte qui se dresse à l’entrée ouest du bourg. Vers 1096, dans une charte, Guillaume, comte d’Évreux, fait don du fief de l’église de Varaville et du fief salinier à l’abbaye de Troarn, au détriment de son vassal. Robert II de Beaufou, seigneur de Varaville, conserve néanmoins une grande partie du territoire. Plusieurs fois contestés par ses descendants, un procès confirmera en 1289 les droits de l’abbaye au détriment de Guillaume de Boutevillain, son arrière-petit-fils. Au cours du XIIe siècle, Robert de Beaufou marie sa fille au chevalier Hugues de Boutevillain. Elle reçoit en dot le reliquat du fief des Beaufou à Varaville. En 1220, ils fondent une léproserie avec une chapelle. Les paysans de Varaville s’activent, à cette époque, à creuser des canaux et des digues autour de la chaussée, de sorte à gagner des terres sur la mer, au nord. Ils cultivent les grèves et y élèvent des moutons ; au printemps, ils y produisent du sel. Ce sont aussi des pêcheurs de poissons et de coquillages, ainsi que des chasseurs, d’oiseaux en particulier (hérons, butors, canards) qu’ils capturent à l’aide de filets.

 

En 1372, les Anglais menacent la Normandie et le vieux château de Varaville est restauré afin de défendre la chaussée. Toutefois, les Anglais s’emparent de la province en 1417 et les Saffray, héritiers des Boutevillain, doivent s’exiler en 1422. Henri V d’Angleterre confisque leur fief pour le céder à son écuyer et trésorier, Guillaume Alyngton. En 1453, au terme de la guerre de Cent Ans, le sieur de Saffray se voit restituer son fief par Charles VII et y reconstruit une résidence au goût du jour qui abritera sa descendance jusqu’en 1907. Lors des guerres de religion, Jacques de Saffray (1542-1602) prend part aux batailles de Dreux et d’Arques, avant d’être inhumé en 1594 dans le chœur de l’église Saint-Germain de Varaville où son épitaphe est gravée sur une stèle.

 

 

 

L’épitaphe de Jacques de Saffray.

N°18 – Le château et le haras de Varaville

 

 

 

 

Le château de Varaville avant son incendie (collection privée).

 

 

PÉRIODE ANCIENNE : Au XIIe siècle, Robert de Beaufou, l’un des principaux seigneurs de la région, marie sa fille au chevalier Hugues de Boutevillain qui reçoit en dot le reliquat du fief de Varaville. Les Boutevillain construisent un château féodal à l’entrée du bourg et au sortir de la grande forêt dont subsiste aujourd’hui le bois de Bavent. En 1220, une léproserie avec chapelle est fondée à l’emplacement des plus anciens bâtiments du haras actuel. Une demoiselle Boutevillain, héritière du fief de Varaville, épouse plus tard le sieur de Saffray, dont la famille s’exile en 1422 plutôt que de rendre hommage au roi d’Angleterre. Ses biens sont alors confisqués par Henri V d’Angleterre et cédés par celui-ci à son écuyer et trésorier pour la Normandie, Guillaume Alyngton. De retour d’exil après le départ des Anglais, le sieur de Saffray construit un nouveau château plus confortable. L’un de ses descendants, Jacques de Saffray, se distingue lors des batailles de Dreux (1562) et d’Arques (1589). À sa mort, en 1594, il est inhumé dans le chœur de l’église de Varaville où une stèle porte son épitaphe. Charles-Marie de Cauvigny (1841-1907) est le dernier propriétaire-exploitant du lignage qui aura vécu au château de Varaville pendant huit siècles.

 

PÉRIODE HOBSON : Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Clément Hobson devient le propriétaire du domaine. Il y crée un haras où il développe avec succès l’élevage de chevaux de course. Il aménage un jardin à la française doté d’une superbe allée transformée en roseraie, servant d’accès à la demeure, et construit les communs de style normand ainsi que le superbe pavillon (appelé aussi manoir) servant d’entrée secondaire. Rendu presque aveugle à la suite d’un accident, il est contraint de cesser ses activités et s’installe à demeure au château. Dans la nuit du 29 novembre 1934, alors qu’il venait de passer la soirée en compagnie de l’abbé Étienne, curé de Varaville, un incendie se déclare au château à cause d’une bûche tombée de la cheminée. Attisé par les 1 000 litres d’eau-de-vie entreposés dans la cave, le sinistre prend des proportions effrayantes. Si Clément Hobson et sa dame de compagnie, mademoiselle Morgenthaler, sont indemnes, du château il ne reste que les murs. Les riches collections d’œuvres d’art, les meubles et une bibliothèque très rare sont anéantis.

 

LA SECONDE GUERRE MONDIALE : Le 6 juin 1944, les Allemands occupent le haras et y installe un canon. Un ensemble de bunkers et de tranchées y est construit. Leur reddition se fait au prix de combats meurtriers contre les parachutistes canadiens. Jusqu’à la libération définitive le 18 août 1944, les bombardements occasionnent d’énormes dégâts sur les bâtiments des écuries et du manoir.

 

PÉRIODE VAN ZUYLEN : En 1964, le baron Thierry Van Zuylen achète la propriété afin d’y élever des purs-sangs. Le domaine est alors constitué de bâtiments d’âges et de styles différents : granges et pressoir du XVIIIe siècle, écuries, petit manège, maisons du régisseur et des employés, manoir de style normand et ruines du château. En 1966, il confie le projet d’une nouvelle résidence d’été à l’architecte américain Peter Harnden. Réalisée en 1968, la maison d’habitation, inspirée des villas californiennes, comprend deux ailes pour les enfants et les domestiques, une cour et des garages. Une partie des toitures est végétalisée tandis que les grandes baies de la maison ouvrent sur les jardins que la baronne Gabrielle a fait réaliser par le paysagiste Russel Page. La maison est au centre d’un écrin verdoyant constitué de massifs de vivaces autour d’une grande pelouse centrale. Une magnifique allée de cerisiers relie le manoir à la maison. On comptait par centaines les rosiers icebergs plantés dans ces splendides jardins.

N°19 – La deuxième bataille de Varaville

 

 

 

 

En 1057, désirant reprendre possession du duché de Normandie, le roi de France Henri Ier s’allie à Geoffroy Martel, comte d’Anjou contre Guillaume le Bâtard. Par surprise, leur armée pénètre en Normandie, depuis Alençon. En février, elle s’empare d’Exmes et brûle les villes et les bourgs vers Saint-Pierre-sur-Dives, puis dépasse Caen et atteint la Seulles sur la route de Bayeux. De là, elle bifurque alors vers l’est, en direction de Rouen, afin d’emprunter la vieille chaussée romaine de Varaville.

 

Depuis sa place forte de Falaise, Guillaume ne manifeste jusque-là aucune opposition et se borne à renforcer ses châteaux en laissant l’envahisseur s’avancer dans ses terres. Puis, le 22 mars, informé par ses éclaireurs, il les attend avec 700 hommes d’armes, cachés dans les bois de Bavent.

 

L’armée franco-angevine s’engage alors sur la chaussée de Varaville, à marée haute, lorsque la mer vient battre ses pieds. Sur l’étroit passage, elle forme une longue file encombrée de chariots et de butin. Pendant que l’armée royale avance, Guillaume divise son armée en deux. Une troupe de cavaliers est envoyée au sud pour traverser les marais par un gué à Robehomme, puis remonter au nord pour prendre la colonne française de flanc. Guillaume lance alors ses troupes et charge l’arrière-garde commandée par le comte du Berry, sous une pluie de flèches tirées par des archers invisibles. C’est l’hécatombe : les chevaux s’emballent et piétinent tout sur leur passage, bousculant les troupes engagées sur la chaussée qui tombent à l’eau et se noient.

 

Le roi Henri, en tête de la colonne, a déjà gagné l’autre rive lorsqu’il découvre, impuissant, la charge des Normands, depuis la rive opposée. La mer est haute, l’eau s’engouffre sous le pont de bois qui enjambe la Dives devant la Croix-Kerpin, à Périers-en-Auge. Pressée par l’arrière-garde, l’armée royale se précipite vers le pont qui s’effondre sous le poids des hommes, des chevaux et des chariots, entraînés dans les flots. Ceux qui n’ont pu franchir le pont sont noyés, tués ou faits prisonniers. Français et Angevins, en déroute, ne peuvent riposter et le comte du Berry succombe : c’est un véritable désastre ! Impuissant, le roi endure une cuisante défaite qui sonne le glas de ses ambitions normandes…

 

En 1059, Henri Ier signe la paix avec Guillaume et lui cède le château de Tillières-sur-Avre, dans l’Eure. Il s’éteint en août 1060. À la mort de son beau-frère, Baudoin V de Flandre, oncle de Guillaume par son mariage avec Adèle de France, se voit confier la régence du royaume en l’attente de la majorité de Philippe Ier, jeune héritier de la couronne. Quant à Geoffroy Martel, il se fait moine et son successeur, Geoffroy le Barbu, renonce définitivement à ses vues sur la Normandie. À partir de la victoire de Varaville, la Normandie s’émancipe de la tutelle du roi de France qui n’est désormais plus une menace sérieuse ; Guillaume peut dès lors consolider son pouvoir et envisager d’autres conquêtes. Neuf ans plus tard, ce sera celle de la couronne de l’Angleterre.

Commission Histoire et patrimoine

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Photos © JL Pouille