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1057 : la deuxième bataille de Varaville

Elle est également dénommée « bataille des dunes »

Mort sur le chemin de retour de son pèlerinage en Terre Sainte en 1035, le duc Robert de Normandie a mis son fils illégitime Guillaume âgé de 5 ans, sous la protection du roi de France Henri I,  qui en a fait son filleul. Cela ne l’empêche pas en 1042, alors que Guillaume a 15 ans, de décider une expédition guerrière contre la Normandie. Il brûle le château de Tillières, ravage Argentan, occupe le château de Falaise.

Réconciliés Guillaume fait appel en 1047 à Henri I pour l’aider à affronter les barons rebelles du Bessin et du Cotentin. Henri accourt avec 3000 hommes et défait les rebelles à la bataille de Val-ès-Dunes.

Trois ans plus tard, c’est au tour d’Henri I de demander l’aide à Guillaume pour lutter contre Geoffroy II dit Martel comte d’Anjou qui s’est emparé du Mans, de Domfront et d’Alençon aux dépens du duc de Bellême, qui les tient du roi de France.

Inquiet de la puissance montante de Guillaume qui vient de s’allier avec la Flandre en épousant Mathilde, Henri Ier inverse son alliance pour prendre le parti de Geoffroy et des barons rebelles à Guillaume. En 1053 le comte d’Arques se proclame duc de Normandie obligeant Guillaume à faire le siège de la ville. Henri I vient à son secours et tente,  sans succès, de faire lever le siège.

En 1054, Henri I cette fois ci se comporte en ennemi déclaré. Deux armées, l’une française commandée par Eudes, le frère du roi et l’autre Angevine, commandée par le comte d’Anjou envahissent la Normandie pour reprendre possession du duché. Séparant en deux son armée Guillaume se porte sus au roi tandis que le comte d’Eu et Gauthier Giffard se portent face aux Français. Dans la nuit la ville de Mortemer en Bray est encerclée et incendiée. Un par un les français sont massacrés et Henri I est obligé de faire la paix avec Guillaume et d’abandonner la coalition avec le comte Geoffroy.

En 1056, Geoffroy II, comte d’Anjou s’empare du Mans par traitrise et s’autoproclame comte du Maine. Réfugié à la cour de Guillaume, Herbert II, comte du Maine, fils de Hugues IV fait son testament en faveur de Guillaume, duc de Normandie. C’est Robert de Courteheuse, son fils marié à Marguerite du Maine qui doit lui succéder à sa mort.

 

 

En 1057, désirant laver l’affront de Mortemer, le roi de France Henri Ier (1008-1060) s’allie au comte d’Anjou Geoffroy Martel contre Guillaume le Bâtard. Par surprise, leur armée pénètre en Normandie depuis Alençon. En février, elle s’empare d’Exmes et brûle les villes et les bourgs vers Saint-Pierre-sur-Dives, puis contourne Caen et atteint la Seulles sur la route de Bayeux. De là, elle bifurque alors vers l’est, en direction de Rouen, afin d’emprunter la vieille chaussée romaine de Varaville.

Depuis sa place-forte de Falaise, Guillaume ne manifeste jusque-là aucune opposition et se borne à renforcer ses châteaux en laissant l’envahisseur s’avancer dans ses terres. Puis, le 22 mars, informé par ses éclaireurs, il les attend avec 700 hommes d’armes, cachés dans les bois de Bavent. Avec ruse, il dispose en première ligne ses redoutables archers cachés dans les hautes herbes touffues. A l’époque les prairies entre la chaussée et les dunes n’existent pas, c’est une vaste lagune envahie par la mer à marée haute dont les flots viennent battre la digue.

L’armée franco-angevine s’engage alors sur la chaussée de Varaville, à marée haute, lorsque la mer vient battre ses pieds. Sur l’étroit passage long de 3 km, elle forme une longue file encombrée de chariots et de butin qui ne tolére que 2 ou 3 hommes de front.

 

Dessin de l’Abbé Chrétien

Pendant que l’armée royale avance, Guillaume divise son armée en deux. Une troupe de cavaliers est envoyée au sud pour traverser les marais par un gué à Robehomme, puis remonter au nord en utilisant le chemin de l’anguille pour prendre la colonne française de flanc (là où se trouve actuellement la stèle). Guillaume lance alors ses troupes et charge l’arrière-garde commandée par le comte du Berry, sous une pluie de flèches tirées par ses archers invisibles. C’est l’hécatombe : les chevaux s’emballent et piétinent tout sur leur passage, bousculant les troupes engagées sur la chaussée qui tombent à l’eau et se noient.

Le roi Henri, en tête de la colonne, a déjà gagné l’autre rive et atteint la hauteur de Bassebourg à Cricqueville-en-Auge lorsqu’il découvre, impuissant, la charge des Normands, depuis la rive opposée. La mer est haute en cette marée d’équinoxe de printemps, l’eau s’engouffre sous le pont de bois vermoulu qui enjambe la Dives devant la Croix-Kerpin, à Périers-en-Auge.

Pressée par l’arrière-garde, l’armée royale se précipite vers le pont, qui s’effondre sous le poids des hommes, des chevaux et des chariots, entraînés dans les flots. Ceux qui n’ont pu franchir le pont sont noyés, tués ou faits prisonniers. Français et Angevins, en déroute, ne peuvent riposter et le comte du Berry succombe : c’est un véritable désastre ! Impuissant, le roi endure une cuisante défaite qui sonne le glas de ses ambitions normandes… Les comtes de Blois, de Soissons, de Bourg, de Meulan, le Palatin de Brie sont fait prisonniers

En 1059, Henri Ier signe la paix avec Guillaume et lui cède le château de Tillières-sur-Avre, dans l’Eure. Il s’éteint en août 1060. À la mort de son beau-frère, Baudoin V de Flandre, oncle de Guillaume par son mariage avec Adèle de France, se voit confier la régence du royaume en l’attente de la majorité de Philippe Ier, jeune héritier de la couronne. Quant à Geoffroy Martel, il se fait moine et son successeur, Geoffroy le Barbu, renonce définitivement à ses vues sur la Normandie. À partir de la victoire de Varaville, la Normandie s’émancipe de la tutelle du roi de France qui n’est désormais plus une menace sérieuse ; Guillaume peut dès lors consolider son pouvoir et envisager d’autres conquêtes. Neuf ans plus tard, ce sera celle de la couronne de d’Angleterre.

 

Détail de la Tapisserie de Bayeux (XIe siècle). Crédits : ville de Bayeux.

Une stèle de granit commémore en bordure du chemin de l’anguille et de la D27, la bataille de notre illustre normand.

 

Stèle de Guillaume © JL Pouille

 

Stèle de Guillaume © JL Pouille

Elle est inaugurée le 22 mars 1987.

 

Stèle de Guillaume © JL Pouille